samedi 31 mars 2012

Les 30 ans de Red Ketchup

Du blog de Réal Godbout, L'Amérique ou le disparu.

Voici l'affiche de l'expo qui célèbre les trente ans de Red Ketchup à la bibliothèque Saint-Jean-Baptiste sur la rue Saint-Jean à Québec du 12 au 26 avril dans le cadre du FBDFQ.
La Pastèque lance simultanément le tome 5 de la série «Le Couteau aztèque» et le tome 1 de l'intégrale, regroupant les trois premiers albums.
Réal Godbout, dessinateur et Pierre Fournier, scénariste de Red Ketchup.

L'increvable Red Ketchup


 

Red Ketchup a 30 ans. Qu'un flic au parcours marqué de bavures et d'innombrables catastrophes ait survécu aussi longtemps est un miracle. Son régime alimentaire, fait de pilules et d'antigel, a sans doute quelque chose à voir là-dedans. La folle imagination de ses créateurs, Pierre Fournier et Réal Godbout, tout autant.


L'agent spécial Red Ketchup a un tempérament imprévisible. Son patron au FBI, d'abord enthousiasmé par son zèle dénué de nuance, a vite compris que ce grand albinos lui réserverait des surprises. Il n'est pas le seul. Les bédéistes Réal Godbout et Pierre Fournier ont aussi été pris de court par le flic fou qu'ils ont créé.
La bête humaine, née dans le feuilleton Michel Risque, ne devait faire qu'un tour de piste et disparaître. Le héros - enfin, l'antihéros -, c'était Risque, «l'homme à la mâchoire carrée». L'apparition de Red Ketchup a toutefois eu un retentissement qui a incité les deux auteurs à lui consacrer temps et imagination.
«Passer de Risque à Ketchup a pratiquement été une commande», résume le dessinateur et coscénariste Réal Godbout. «On a essayé de résister, de mener les deux séries de front, mais Red Ketchup poussait trop, la demande était trop forte», dit Pierre Fournier, l'autre moitié du tandem.
Tandem allumé
Les créateurs de l'indestructible albinos se connaissent depuis longtemps lorsqu'ils amorcent cette nouvelle série. Leur amitié date de 1971, année où ils ont fait un stage en France. «Pierre travaillait sur Capitaine Kébec, se rappelle Réal Godbout. Michel Risque, au départ, c'était mon personnage à moi.»
Les bédéistes n'échangent pas seulement des idées de scénario, mais aussi leurs découvertes. Durant l'enfance, les deux hommes lisaient de la BD franco-belge, du genre Tintin et Spirou. «Encore aujourd'hui, pour moi, tout commence par Hergé», dit d'ailleurs Réal Godbout. Pierre Fournier, lui, avait déjà un intérêt pour le comic book américain.
Marqués par la BD underground américaine à l'adolescence - Robert Crumb, en tête -, ils ont par la suite été fascinés par des artistes néerlandais underground comme Joost Swarte, dont ils dénichaient les oeuvres chez Pantoute ou à la Librairie du Square.

«Je n'ai pas lu des tonnes de BD néerlandaise, précise Réal Godbout, mais ça a révélé quelque chose.» Pierre Fournier, lui, voit un lien entre la ligne claire de Joost Swarte (réédité chez Denoël Graphic sous le titre Total Swarte) et le style de dessin adopté par son collègue.

«Ce que j'ai fait, c'est le résultat de ma formation franco-belge sous l'influence de la BD underground et de quelques substances», juge pour sa part le dessinateur, pince-sans-rire.

Satire brutale

L'une des choses qui étonnent lorsqu'on replonge dans Red Ketchup 30 ans après sa création, c'est son côté sanglant. Pour les auteurs, c'est clair: Red Ketchup est une satire de la violence gratuite et de la droite américaine sous Reagan. «Sans dire qu'on avait un message à livrer à l'humanité, on écrivait des histoires qui reflétaient le monde autour», explique le dessinateur.
L'effet Red Ketchup, c'est aussi ce contraste entre cette brutalité et un humour certes ironique, mais aussi volontairement bête. Comme Michel Risque et Jérôme Bigras, aussi vus dans le magazine Croc, l'homme au complet bleu et aux verres fumés ne s'illustre pas par sa vivacité d'esprit. «C'était le rôle de Croc de se moquer du monde et de les traiter d'épais», dit encore le dessinateur.
Il reste que, comme le souligne Pierre Fournier, le récit a toujours primé l'humour dans Red Ketchup. Réal Godbout et lui ne se privaient d'ailleurs pas pour divertir leurs lecteurs: le style était classique («si je m'étais mis à faire des mises en page éclatées, ç'aurait été le fouillis», croit le dessinateur), les scénarios eux, mêlaient allègrement les genres: science-fiction, thriller, ésotérie... L'album Le couteau aztèque mêle en effet chamanisme et voyages dans le temps!
Rééditer Red Ketchup n'est pas qu'une entreprise muséale, croient ses auteurs. «Il est normal de republier les oeuvres qui ont marqué l'imaginaire, estime Pierre Fournier. Il y a beaucoup d'éditeurs qui ont dit vouloir rééditer Red Ketchup, mais ils ne l'ont pas fait. La Pastèque, au lieu de le dire, ils l'ont fait.»
Red Ketchup, Intégrale volume 1, La Pastèque, 151 pages

Red Ketchup vu par...



 

Trois bédéistes partagent leur vision de Red Ketchup et de son importance dans la bande dessinée québécoise.

Jean-Paul Eid, bédéiste

«On entend souvent dire que la culture québécoise se trouve au confluent de l'Europe et de l'Amérique. Red Ketchup est vraiment l'incarnation de ça en bande dessinée. Réal (Godbout) est arrivé avec une ligne claire presque hergéenne et une rigueur documentaire presque malade. Parallèlement à ça - je pense que c'est l'apport de Pierre Fournier - la série parlait d'une espèce de sous-culture populaire américaine où il y a les congrès d'imitateurs d'Elvis Presley et les mauvais films de série B, expose Jean-Paul Eid, créateur de Jérôme Bigras. J'ouvrais ces albums-là et c'était comme une classe de maître à chaque fois.»

Mira Falardeau, bédéiste et historienne


«Ce n'est pas la chercheuse en BD qui répond, mais la lectrice de bande dessinée. Ma sensibilité de femme n'a jamais accroché à la violence de Red Ketchup, même si on parle d'une satire de la violence. Je n'en étais pas une fervente lectrice, précise d'emblée Mira Falardeau, bédéiste et auteure d'une Histoire de la bande dessinée au Québec. Cela dit, il faut rendre à César ce qui est à César: les dessins sont absolument époustouflants, c'est du grand art.»
Jimmy Beaulieu, bédéiste

«Red Ketchup, c'est peut-être parmi les cinq ou six oeuvres les plus importantes au Québec. Il a eu une espèce d'effet Maurice Richard pour ma génération. Il aurait été facile de penser qu'on est dans les ligues mineures au Québec, sauf qu'il y a eu ce truc qui est allé chez Dargaud, dit Jimmy Beaulieu, auteur de Comédie sentimentale pornographique. Pour moi, c'était le signe qu'il était possible de faire de la BD, de sortir d'ici et de faire des bandes dessinées qui étaient aussi bonnes que ce qui se faisait ailleurs. C'est ce que j'appelle l'effet Maurice Richard.»

Ketchup à l'huile

Du blog L'Amérique ou le disparu.



En primeur à l’expo «30 ans de Red Ketchup», qui se tiendra à partir du 12 avril à la Bibliothèque St-Jean Baptiste, 755, rue St-Jean à Québec, un tableau inédit réalisé sur commande et mettant en vedette Red Ketchup (encore lui!) visitant la bonne ville de Québec. J’avais d’abord songé à l’intituler «La revanche de Montgomery» mais, comme ce titre ne voulait dire quelque chose qu’aux férus d’Histoire, j’ai opté pour «Le Colosse», tout simplement.

La reproduction donne un bon aperçu mais, le tableau faisant 24" X 36", il faut le voir sur place, c’est mieux.

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