Karl Kerschl, Becky Cloonan et Andy Bélanger sont des dessinateurs qui mettent, depuis Montréal, leurs pouvoirs au service des superhéros américains. |
Pas besoin d’aller sur la planète Krypton pour célébrer le 75e anniversaire de naissance de Superman en ce moment. Un petit voyage dans le Mile-End, quartier branché de Montréal, suffit.
Là, dans un bâtiment industriel qui a fait les beaux jours du textile avant d’être reconverti en espace pour artistes, se trouve en effet une base presque secrète où le célèbre personnage de bande dessinée, né en juin 1938 dans les pages du numéro 1 d’Action Comics, il y a donc trois quarts de siècle exactement, vient se poser parfois… sur les tables à dessin de quelques dessinateurs montréalais qui depuis plusieurs années lui donnent forme pour le compte de l’éditeur DC Comics. La célèbre maison d’édition n’hésite pas à sortir de ses frontières américaines pour trouver de nouveaux talents capables de donner corps et traits à ses nombreuses séries de superhéros.
« À une autre époque, les [dessinateurs] espagnols étaient très actifs pour DC Comics et Marvel » (un autre éditeur d’histoires en images mettant en scène des personnages aux superpouvoirs), résume Gautier Langevin, vice-président du Studio Lounak, un espace de cotravail spécialisé dans la bande dessinée sous toutes ses formes et où plusieurs grandes plumes maîtrisant les courbes - et les collants - des superhéros se sont agglomérées. « Actuellement, cinq ou six créateurs travaillent pour DC ou Marvel depuis Montréal. Les dessinateurs d’ici sont très prisés, parce qu’ils sont hybrides : ils sont bilingues, proches du marché américain, connaissent très bien ces univers, mais en même temps se retrouvent au croisement de plusieurs cultures. » Des atouts pour ces éditeurs qui cherchent depuis quelques années à faire voler Superman, mais également Batman, Spiderman et consorts, vers d’autres marchés, d’autres lectorats.
« Les dessins influencés par l’Europe, par l’Asie, sont du coup plus recherchés », ajoute-t-il. Et parfois, ils viennent de Montréal.
Le retour du héros
Karl Kerschl, la trentaine avancée, a récemment pris part à ce renouveau en jouant un rôle important, avec ses crayons, dans la poursuite des aventures de Superman. C’était en 2005. « C’est un rêve qui est devenu réalité, explique-t-il debout au milieu des nombreuses figures et dessins de personnages pleins de courbes et de pouvoirs qui meublent le Studio Lounak. Superman, c’est le grand-père du superhéros, c’est une institution et forcément un honneur pour un dessinateur de le faire évoluer. »
À côté de lui, Becky Cloonan sourit. Dans les dernières années, elle a été la première femme au monde et dans l’histoire de ce superhéros à présider à la destinée de Batman dans sa version bande dessinée. Batman n’a que 74 ans. « J’ai mis en dessins une aventure de 22 planches, dit-elle. Et le plus drôle, c’est que personne chez DC n’a pris conscience de cette première. Pour eux, ça faisait partie de la suite normale des choses… »
Vieux, mais pas figés. Les superhéros, avec Superman en tête, mis au monde à l’aube d’une Deuxième Guerre mondiale par l’Américain Jerry Siegel et le Canadien Joe Shuster, ont beau venir de loin, ils sont aussi bel et bien invulnérables et pas vraiment affectés par l’espace et le temps, qu’ils traversent sans une ride en s’attirant au passage de nouveaux fidèles. « Les adaptations au cinéma y sont pour beaucoup, dit M. Langevin. Leurs univers sont régulièrement rechargés d’affects et survivent à la fuite du temps avec des récits qui puisent dans les valeurs humaines de base, la morale, la justice, l’éthique, la vengeance… des thèmes qui ne se démodent pas. »
À 75 ans, Superman devrait d’ailleurs goûter de nouveau à cette médecine qui visiblement ne contient pas de kryptonite, avec la sortie dans quelques jours de Man of Steel, une nouvelle adaptation de ces aventures au cinéma. Henry Cavill va y incarner Clark Kent, reporter au Daily Planet quand il n’est pas Superman, sous la caméra du réalisateur Zack Snyder. « Ça devrait relancer la série pour encore 75 ans », lance en souriant Serge LaPointe, du Studio Lounak, qui lui aussi prête de temps en temps son talent pour le dessin à des superhéros dont la dépendance aux dessinateurs de Montréal étonne forcément, étant donné leurs superpouvoirs.
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