jeudi 1 juillet 2021

Une publication du dessinateur hongrois Gábor Pápai condamnée

 Sur le site de Cartooning for Peace.


Après avoir rejeté la plainte déposée par le député du Parti Populaire Démocrate-Chrétien (KDNP) et président de la commission parlementaire Justice, Imre Vejkey en première instance en janvier 2021, la Cour métropolitaine de Budapest a finalement condamné Népszava pour la publication du dessin « Chronique » du dessinateur Gábor Pápaile le 28 avril 2020. 

Cette décision porte un coup supplémentaire à la liberté d’expression et pose une sérieuse limite pour le futur de la publication de caricatures selon le portail d’information Media 1, alors que les attaques à l’encontre du dessin de presse et de ses défenseurs se sont multipliées en Hongrie.

La cour avait initialement rejeté la plainte du député, arguant que le dessin « ne visait pas la religion chrétienne, elle ne ridiculisait pas la communauté chrétienne et n’empêchait pas les chrétiens de pratiquer librement leur religion… elle ne justifie pas de restreindre la liberté d’expression et de la presse »

Un verdict dénoncé par le plaignant ainsi que par András Veres, président de la conférence des évêques catholiques hongrois, également signataire d’une déclaration conjointe des dirigeants des communautés religieuses « protestant contre l’humiliation et la ridiculisation des symboles religieux, des sacrements et des lieux saints » publiée à la suite du verdict de la Cour.

Dans un verdict rendu en seconde instance le 3 juin 2021, la cour a finalement estimé, en vertu de l’article IX. (5) de la Loi fondamentale de Hongrie, que la caricature et son titre portaient atteinte au droit du requérant à la dignité humaine en lien avec son appartenance à la communauté chrétienne et condamné le journal à verser 400 000 HUF (1 140 EUR) à Imre Vejkey, ainsi qu’à rembourser les frais de justice et à publier un message d’excuse à la place du dessin en Une. 

Le message d’excuse calligraphié par Gábor Pápai a été publié à la place du dessin de presse quotidien le 25 juin 2021. 

Le journal, contacté par le site Telex, a répondu vouloir s’exprimer publiquement dans les jours à venir.



Le contenu de l’excuse calligraphiée : « Le Conseil de jugement métropolitain 1.Pf.20.273 / 2021/4. Conformément au jugement définitif, nous publions ce qui suit : A XXI. century Media Ltd. en tant qu’éditeur du quotidien Népszava a violé les droits à la vie privée du plaignant pour la dignité humaine dans le contexte de l’appartenance du requérant à une communauté religieuse chrétienne en publiant une caricature intitulée « Chronic » dans son numéro du 28 avril 2020. L’éditeur exprime ses regrets pour la violation personnelle causée. »

Le plaignant avait déclaré se sentir comme un citoyen de seconde classe en tant que chrétien à la vue du dessin de Gábor Pápai. 

Ce dernier expliquait pour sa part en 2020 « …que puisqu’aucun employé de la presse gouvernementale (un oxymore !) n’a pu se retenir de me lyncher, je vous dois une explication (…). Le dessin montre Cecília Müller, une personnalité publique, et un crucifix (il ne s’agit donc pas de Jésus vivant, mais d’une effigie de lui). 

Le dessin a UN interlocuteur, le médecin-chef, qui, comme pour tous les décès [liés au coronavirus] survenus à ce jour, attribue la mort de Jésus à une maladie sous-jacente (…) 

Le dessin ne dit donc rien sur Jésus (et il ne dit ni ne fait rien) qui puisse être embarrassant, humiliant pour lui ou ses disciples et qui puisse être considéré comme blasphématoire. Le dessin ne fait que critiquer Cecília Müller ». 

Le dessinateur rappelait dans un long entretien au journal Szemlélek van keresnivalód en avril 2021 qu’aucun de ses accusateurs n’avait d’ailleurs demandé ce qu’il voulait dire avec ce dessin.

Cette décision s’inscrit dans un environnement toujours plus hostile au dessin de presse et à la liberté de la presse en général

Le 5 novembre 2020, Janos Stummer (Jobbik), Président du comité de sécurité national du Parlement annonçait vouloir déposer une proposition de loi visant à interdire les caricatures susceptibles d’inciter à la haine religieuse, afin de ne pas devenir la cible d’attaques terroristes similaires à celle survenue à Vienne du 2 novembre 2020. Il n’a à ce jour pas donné suite.

Le 17 novembre 2020, le syndicat des journalistes hongrois (MUOSZ) a récompensé Gábor Pápai du prix « Kétfilléres Award » de 2020, pour le dessin « Chronique »

Une récompense qui a valu au syndicat, au dessinateur et à son journal d’affronter une vague de réactions indignées de la part de leurs détracteurs.

Il y a un an déjà, Cartooning for Peace et ses partenaires, Reporters Sans Frontières et la Fédération Européenne des journalistes avaient alerté sur la situation de Gábor Pápai. 

La Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes du Conseil de l’Europe avait également signalé les menaces pesant sur Gabor Pápai et son journal. 

Le ministère des affaires étrangères hongrois avait répondu et nié toute atteinte à la liberté de la presse. 

Force est de constater qu’un an plus tard, la pression à l’encontre de la presse et plus particulièrement du dessin de presse ne faiblit pas. 

Cartooning for Peace en appelle aux autorités du pays pour qu’elles assurent le maintien d’un environnement favorable aux droits fondamentaux de libre expression journalistique et artistique.




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