Tempête autour d'un dessin de Coco

D'après Charlie Hebdo.

Mardi dernier, Coco publie dans Libération, journal pour lequel elle dessine depuis deux ans, un dessin sur Gaza. 

Elle y met en scène un jeune Palestinien tentant de chasser son repas du soir, un rat, puisque Gaza souffre d'une famine importante. 

Autour de lui, sous les décombres, on devine des corps écrasés. Une femme âgée lui intime : "T-t-t ! Pas avant le coucher du soleil !" en référence au Ramadan qui vient de commencer.

Nous n'expliquerons pas nous-mêmes ce dessin. 

Coco l'a fait dès que la vague d'indignation absurde a déferlé sur elle, évoquant 

« un dessin que j'assume parfaitement, qui souligne le désespoir des Palestiniens, dénonce la famine à Gaza, et moque aussi l'absurdité de la religion ». 

C'est clair, non ? Si vous voulez notre avis : c'était déjà clair en dessin.

Mais voici la machine lancée. Sur X (ex-Twitter), des dizaines, des centaines, bientôt des milliers de commentaires injurieux, menaçants, calomnieux, diffamatoires. 

On vous la fait courte : Coco, dessinatrice raciste, prendrait plaisir à rire du malheur des Palestiniens. 

Voici donc que deux types d'indignés se jettent sur elle. 

Les plus nombreux sont les imbéciles. 

Eux sont incapables de lire un dessin de presse, et sont déjà fondamentalement convaincus de ce qu'ils vont voir. 

Après tout, ils sont persuadés qu'on les persécute. 

Pour eux, que voulez-vous qu'on fasse ? Il y a trop d'idiots dans le monde pour leur offrir à tous des cours d'éveil au dessin de presse. 

Et trop de susceptibilité larvée pour qu'on puisse désamorcer quoi que ce soit.

Mais il y a une deuxième catégorie d'indignés, qui profite de la première : les professionnels. 

Ceux-là ont assez de jugeotte pour lire un dessin. 

On pourrait même imaginer qu'ils auraient su s'abstenir de lâcher leurs roquets sur une dessinatrice de presse qui a déjà connu l'horreur en 2015. 

Mais enfin, en politique particulièrement, tous les coups sont permis. Et ce qui compte, c'est bien d'exciter les masses.

« Tout bonnement immonde. Et [ne] venez pas pleurer sur la liberté d'expression. Vous l'avez. Juste, quand vous en faites n’importe quoi avec [sic], ne vous étonnez pas qu’on vous le dise. » 

Cette prose-là est signée Sarah Legrain, ancienne prof' de Français devenue députée LFI. 

On poursuit avec Carlos Bilongo, qui juge le dessin « honteux ! », aussi concis que sa pensée politique. 

Mais la palme de la récup' la plus crade revient à Sophia Chikirou, l'éminence grise de Jean-Luc Mélenchon : « Vous n'aurez pas notre haine mais vous la méritez ».

Que dit Sophia Chikirou, exactement ? 

Nous nous contenterons de citer Foolz dans les Causeries de jeudi dernier, que nous avons consacrées à cet épisode : 

« Dire "vous méritez notre haine", ça justifie les actes qui pourraient avoir lieu, mais ça justifie aussi les actes qui ont déjà eu lieu. 

Ça dit : "Vous l’avez bien cherché !" » 

Qui se souvient que Sophia Chikirou a débuté en politique aux côtés du chevènementiste Michel Charzat ? 

Qu'elle est passée à Jean-Marie Bockel, social-libéral rallié à Sarkozy en 2007. 

Qui se souvient que Sophia Chikirou n'a écrit qu'un seul livre, Ma France laïque ? 

Seule bonne nouvelle à retenir de tout ce déplorable ramdam : la réaction de la presse qui, de Libération au Canard Enchaîné en passant par Télérama ou Challenges, a assuré Coco de son soutien. 

Et nous aussi, on la soutient, toujours. 

On lui dit encore, d'ailleurs : on t'aime.