vendredi 23 mars 2018

Un journal indonésien assiégé par des islamistes à cause d’une caricature

Sur le site de Courrier international.


Pour avoir publié un dessin représentant le leader d’un groupe islamiste en train de se faire morigéner par une femme en débardeur, le magazine Tempo a été saccagé par des membres de ce groupe.

Plusieurs centaines de membres du groupe islamiste Front de Défense de l’Islam (FPI) ont pris d’assaut les bureaux de l’hebdomadaire indonésien Tempo le vendredi 16 mars, pour protester contre une caricature publiée dans l’édition du 26 février 2018.

“Selon eux, ce dessin était une insulte au fondateur du FPI, Rizieq Syihab, qui est parti au petit pèlerinage [à la Mecque, hors des dates imposées pour le grand pèlerinage] le 29 mai 2017 et n’est toujours pas rentré en Indonésie, depuis que la police l’a identifié comme suspect”, rapporte Koran Tempo, le quotidien associé au magazine. 

Rizieq Syihab est en effet accusé de “pornographie” après que des images d’étreintes avec une petite amie dans la salle de bain de celle-ci ont circulé sur les réseaux sociaux. Depuis, il semble avoir trouvé refuge en Arabie Saoudite.

Une femme en débardeur face à un homme pieux

Le dessin incriminé représente un homme assis vu de dos, reconnaissable pour tous les Indonésiens grâce à sa robe et à son turban blanc, qui sont l’uniforme des membres du FPI, comme Rizieq Syihab. 

Il dit ne pas pouvoir encore rentrer en Indonésie (sous-entendu car il y est attendu par la police). La femme, probablement son ancienne petite amie, lui fait la leçon : ce n’est pas bien… d’avoir couché avec moi, ou avec d’autres filles, peut-on supposer dans sa réplique elliptique.

Mais ce qui scandalise les membres du FPI, c’est que cela soit une femme sans voile, en débardeur, qui se permette de parler ainsi à leur leader. En somme, qu’un homme en habit “pieux” reçoive une leçon d’une femme en tenue légère.

Ouverte à la liberté d’expression, la rédaction du magazine a déclaré qu’elle était “prête à dialoguer avec le FPI après la prière du vendredi dans le cadre d’une ‘action de paix’.”

Une démonstration de force au siège de Tempo

Mais le dit dialogue s’est rapidement transformé en démonstration de force et d’intimidation par les membres du FPI qui s’en sont pris au mobilier, ont lancé des verres d’eau sur leurs interlocuteurs et ont arraché les lunettes du rédacteur en chef en réclamant que Tempo présente ses excuses à tous les musulmans.

Malgré les menaces, la rédaction du magazine a refusé de céder à cette requête absurde pour elle, car elle impliquait que le FPI prétendait représenter tous les musulmans du pays.

Le lendemain, plusieurs mouvements de défense des droits de l’homme, ainsi que les jeunesses de la Muhammadiah, une des deux grandes organisations musulmanes d’Indonésie, sont venues apporter leur soutien dans les locaux de Tempo au nom de la liberté de la presse.

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