lundi 30 juillet 2012

Au Venezuela, caricaturer le président Chavez est passible de prison

Du site lemonde.fr




Au Venezuela, les médias ne doivent pas "susciter l'angoisse dans la population". Pour avoir enfreint cette règle, la chaîne de télévision Globovision vient de payer une amende de 1,7 million d'euros. Parmi les sujets "anxiogènes" qui ont provoqué les foudres du pouvoir figurent les émeutes dans les prisons surpeuplées, la lenteur des secours après un séisme, des affaires de pollution et, bien entendu, l'explosion de la criminalité. Ainsi, il ne faut pas raconter à quel point la morgue de Caracas est débordée les weekends. Ni la douleur des familles obligées de soudoyer des employés pour récupérer le corps de leurs proches dans des délais raisonnables.

Cette dérive autoritaire du régime Chavez est décrite minutieusement dans un rapport de 133 pages de Human Rights Watch publié mardi 17 juillet, en espagnol en anglais.

Si le registre de la gravité est encadré et surveillé, la volonté de détendre le public grâce à la satire et à l'humour peut aussi s'avérer dangereuse. Des textes manifestement comiques et des caricatures ont été sanctionnés durement par le régime du lieutenant colonel Hugo Chavez. De mémoire caribéenne, on ne se souvient pas d'un président aussi susceptible. A croire que l'usage abusif de l'uniforme, alors qu'il est passé depuis longtemps au cadre de réserve, raidit le comportement et la parole. Prenant des allures de prédicateur télé, Hugo Chavez prétend bannir l'irrévérence traditionnelle des Vénézuéliens, leur méfiance à l'égard de tous ceux qui se prennent trop au sérieux, leur refus de l'intolérance.

UNE CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE BELLIQUEUSE

Il faut admettre qu'il a réussi à distiller la peur de perdre son emploi, dans un pays où l'Etat patron domine le marché du travail. Il est parvenu à prolonger le clientélisme, vieux travers de la politique vénézuélienne, malédiction d'une économie rentière, dépendante des pétrodollars. Il a suscité aussi une polarisation à outrance des élections, conduites comme une manœuvre militaire, avec un langage belliqueux et l'argent public comme arme de persuasion massive.

Le 7 octobre, Hugo Chavez, au pouvoir depuis 1999, brigue son troisième mandat. Pendant la campagne électorale, le chef de l'Etat ne renonce pas aux réquisitions de la télévision et de la radio à tout moment, pour suivre ses moindres faits et gestes, et pour transmettre ses monologues pendant des heures d'affilée. Il prétend que c'est son "droit constitutionnel". En revanche, il refuse de participer à un débat télévisé avec le candidat de l'opposition, Henrique Capriles Radonski, sous prétexte que ce dernier serait un "nul".

Ce contexte permet de mieux apprécier le courage des dessinateurs de presse comme Rayma Suprani, collaboratrice du quotidien El Universal. Une caricature du président est passible de trente mois de prison. A Caracas, le harcèlement du pouvoir l'oblige à se déplacer protégée par des gardes du corps. L'association Cartooning for peace, créée par Plantu, a adopté Rayma Suprani.

Paulo A. Paranagua

Voir le portfolio "Les caricatures de Rayma, une lutte pour la liberté d'expression"

AJOUT

La capsule de Rayma dans le film « Fini de rire »


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire