Dessin de Ballouhey |
Lors des 5e rencontres internationales du dessin de presse, ce week-end au Mémorial de Caen, les 35 dessinateurs présents se sont notamment interrogés sur l'après-Charlie, la censure et l'autocensure.
Sous haute protection (des policiers partout, des pré-inscriptions obligatoires), 35 dessinateurs de tous les pays étaient présents. Cela a eu le grand mérite de donner un éclairage culturel différent sur la question des caricatures, avec des auteurs ne partageant pas tous les mêmes avis et orientations politiques.
Malheureusement les potentielles disputes ont souvent été coupées dans l’œuf par l’organisation. Il ne fallait surtout pas critiquer Charlie ou parler trop des islamistes.
Ainsi, Emmanuel Chaunu, menacé de mort cette semaine pour un dessin sur Aylan, tenta bien un «comme on a une culpabilité coloniale, on a peur de dire les choses, mais c’est plus facile de dessiner un pape avec une capote sur la tête que d’autres choses…», mais ne fut repris par personne. Ou, à l’opposé du spectre, Khalid Albaih, Soudanais vivant au Qatar, essaya d’interroger ses collègues sur ce drôle de besoin des Européens de dessiner Mahomet. Changement de sujet par l’animateur....
Selon l’historien Guillaume Doizy «la récupération politique de Charlie Hebdo par les dirigeants politiques leur a fait beaucoup de mal. Cela a accrédité l’idée, déjà en marche, pour des gens qui ne connaissait pas cette publication et qui parfois n’avait jamais vu leurs images, que c’était un journal du côté du pouvoir, des oppresseurs. Alors qu’on sait que, historiquement, ils sont du côté des faibles.»...
Au final, tous ou presque s’accordent pour dire que la première des censures est le plus souvent économique. «Si quelques dessinateurs s’en sortent bien, la majorité a un statut très précaire, remarque Mric, qui publie pour Siné Mensuel ou Psykopat. Nous sommes tributaires des journaux pour lesquels on travaille. Je ne m’autocensure pas mais je suis obligé de faire des choix.»
Avant de plaire à un éventuel public, si on veut en vivre, il faut surtout séduire son rédacteur en chef et répondre à la ligne éditoriale du support. Au fil des années, la place de la caricature s’est réduite dans les médias non spécialisés. Et la tendance ne s’est pas inversée après le 7 janvier.
«Ce sont les annonceurs qui font les journaux», regrette Michel Onfray, très virulent tout le week-end contre ce qu’il appelle la «médiacratie». «Il s’agit de ne pas blesser machin, bidule, untel. Les journaux ne sont pas libres. Si on veut être libre, il faut créer son support.»
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