jeudi 3 juin 2021

Tintin inspiré par Benjamin Rabier

 Sur le blog de Francis Forget.


Hergé est-il l’unique créateur de Tintin ? Car il existe bien un Tintin en pantalon de golf et houppette créé en 1897 par l’illustrateur français Benjamin Rabier.

Tintin est le héros le plus protégé de la bande dessinée. 

La société Moulinsart qui gère l’oeuvre du dessinateur belge est d’une fermeté sans égale. Elle poursuit quiconque reproduit ou s’inspire des oeuvres du maître. 

Avec d’ailleurs plus ou moins de succès. Tout récemment, la chambre civile du tribunal de Rennes vient de donner raison au peintre Xavier Marabout en lui accordant le droit de parodier le reporter du Petit Vingtième

Une autre procédure est en cours au tribunal civil de Marseille à l’encontre du plasticien Peppone

Les démêlés judiciaires de l’artiste provençal avec Moulinsart ont commencé en 2015. Des bustes du héros belge en résine de fibre de verre sont à l’origine du litige.


La défense de Peppone via son avocat mérite d’être entendue. 

En quelque sorte, il retourne l’accusation de contrefaçon en affirmant qu’Hergé lui-même s’est inspiré d’un autre artiste pour créer son héros. 

En 1897, un illustrateur français, Benjamin Rabier, a donné le surnom de Tintin à un de ses personnages. 



Un jeune garçon blond avec une légère houppette, portant un pantalon de golf et que l’on voit parfois accompagné d’un chien. 

Tintin Lutin est le premier album pour enfants de Benjamin Rabier qu’il a écrit avec Fred Isly. 


La Bibliothèque nationale de France propose en ce moment une exposition virtuelle sur Benjamin Rabier. 




Vous connaissez déjà une de ses oeuvres. 

Il a aussi imaginé la fameuse baleine du sel « La Baleine »

Le talent de l’artiste ne se limita pas seulement à la publicité. 

Il se fera connaître avec ses dessins humoristiques, collaborera à des journaux satiriques comme L’Assiette au beurre, fera de la bande dessinée et écrira même des pièces de théâtre. 

Auteur étonnant, forcené de la plume et du crayon, qui, le jour, est employé à la préfecture de la Seine et, le soir, s’adonne aux arts graphiques ou à l’écriture.


De Tintin au canard Gédéon

Benjamin Rabier est aujourd’hui reconnu surtout pour son habileté à représenter les animaux. 

Ses bêtes sont rieuses, farceuses, doucement caricaturées et modérément humanisées. Il leur donne de la vie, des expressions avec son trait agile et jamais figé. 

Un style qu’il maîtrisera à la perfection dans sa plus emblématique série, Gédéon. Un canard au long cou qui connaitra seize albums de 1923 à 1939 et une adaptation à la télévision en 1976. 

Pas étonnant alors que son Tintin soit accompagné d’un chien et de bien d’autres animaux. 

Curieusement, ce n’est pas le Tintin de Rabier qui se rapproche le plus de celui d’Hergé. 

Si vous allez sur Gallica, l’excellent site de la bibliothèque numérique de la BnF, vous découvrirez un autre personnage de Rabier dénommé Onésime. 

Il a lui aussi la houppette bien marquée et le pantalon façon golf. 

Dans un style graphique parent de la « ligne claire », la ressemblance est troublante avec le Tintin du pays des Soviets. 

Dans la préface aux Fables de La Fontaine illustrées par Rabier et éditées chez Tallandier en 1982, Hergé fait à juste titre l’éloge du dessinateur français. 

Il loue la lisibilité de son trait qu’il n’a cessé de chercher à travers toute son oeuvre.


Inspiration ou contrefaçon ?

Il ne s’agit pas de retirer le génie des aventures de Tintin à Hergé. 

Il est incontestable que le compagnon du capitaine Haddock doit bien plus à l’auteur belge qu’à l’illustrateur français. 

Mais il est vrai qu’en bande dessinée, comme dans tous les autres arts, la création ne vient jamais de nulle part. 

Il n’est pas toujours facile de déterminer ce qui tient de l’inspiration ou de la copie. Moulinsart demande systématiquement à la justice de trancher. 

Les tribunaux ont-ils toujours les compétences pour le faire ? Peppone attend, lui, la décision du tribunal de Marseille pour le 17 juin.


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