mercredi 14 décembre 2022

Controverse autour d’une rétrospective de Bastien Vivès

Sur le site du Huffington Post.


C’est une exposition qui ne passe pas du tout. 

Le festival de BD d’Angoulême a décidé d’organiser lors de son prochain festival, du 26 au 29 janvier, une rétrospective mettant en valeur le travail de l’auteur-dessinateur Bastien Vivès, à qui l’on doit notamment le manga Lastman, véritable succès francophone du genre et adapté en série d’animation. 

Le dessinateur a même eu carte blanche pour son exposition.

Une initiative qui divise largement le monde de la bande dessinée, alors que le dessinateur est accusé de promouvoir l’inceste et la pédocriminalité dans un pan de ses travaux. 

Dans la BD Petit Paul, parue en 2018, un petit garçon doté d’un pénis proéminent est régulièrement violé par des adultes.



Si Les Melons de la colère ainsi que La Décharge mentale montrent également des relations sexuelles entre mineurs et majeurs, Bastien Vivès est aussi pointé du doigt pour des déclarations polémiques. 


« L’inceste, moi ça m’excite à mort », lançait-il dans un entretien avec le magazine Madmoizelle en 2017, supprimé depuis, et à propos duquel il assure désormais que « L’interview s’est faite dans un cadre convivial, on se marrait. Je pense que si j’avais dit des trucs déplacés, la journaliste féministe m’aurait recadré ».

L’auteur s’en était également pris violemment, caché derrière un pseudonyme sur Facebook, à l’autrice de BD, Emma, révélée en 2017 avec la publication d’une série de dessins féministes qui avait popularisé le concept de charge mentale. 



« Message niveau 2 ans d’âge mental », « ne sait pas dessiner », et appels à la violence sur les enfants de la dessinatrice... 

Un message qu’il a confirmé avoir écrit et à propos duquel il aimerait, dit-il, s’excuser.


Une pétition demandant l’annulation de l’exposition

Avec d’autres autrices, Emma a pris les paroles ces derniers jours pour dénoncer le maintien de cette exposition à Angoulême. 

En republiant le message en question, la dessinatrice invite ses collègues à se « prononcer clairement, publiquement et visiblement sur ce personnage et ses productions illégales »

Un message relayé, selon L’Obs, par la dessinatrice québécoise Julie Delporte, qui ajoute : « Cher plus grand festival de ma discipline, bravo pour le très mauvais goût offensant envers des minorités déjà offensées tous les jours. »

Emma a également relayé une pétition lancée par l’association #BeBrave, qui défend les enfants contre les violences sexuelles. 

Le texte était signé par plus de 80 000 personnes, ce mardi 13 décembre, après avoir été largement partagé sur les réseaux sociaux.

« Comment le Festival d’Angoulême justifie-t-il de consacrer de l’argent public à un travail qui me semble être une caricature de ce qu’on pensait ne plus jamais voir exposer dans une institution ? », s’indigne encore de son côté la scénariste de BD Marie Bardiaux-Vaïente dans Libération.

L’artiste trans, Jul Maroh, qui avait publié Le bleu est une couleur chaude, a de son côté rappelé que « La diffusion de pédopornographie ’par quelque moyen que ce soit’ c’est punissable de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ».

Une indignation qui déborde

Pénélope Bagieu qui avait reçu en 2022, avec Julie Doucet et Catherine Meurisse, le Grand Prix d’Angoulême a de son côté indiqué qu’elle ne se rendrait pas cette année au festival. 

Elle a repartagé sur son compte Instagram un texte signé de l’autrice Mirion Malle.

Cette dernière y dénonce le sexisme du FIBD et du milieu de la BD : « Moi aussi j’aimerais parler de mes livres, de mon travail, de comment je le construis et le réfléchis (...) mais on me parle comme si j’avais éternellement 13 ans et on ne me questionne que sur ce que je pense des esti de dudes dont je ne lis même plus le travail car pas ouf et qui me considèrent au mieux comme une chieuse, au pire comme un bout de viande à baiser, jamais comme une collègue et encore comme moins comme une égale », écrit celle qui a sorti cette annéeAdieu triste amour.

Une publication qui comme celle d’Emma a fait mouche et a été repartagée de nombreuses fois, y compris par des dessinateurs, dont par exemple le dessinateur Vincent Sorel.

Plusieurs auteurs se sont également positionnés sur l’affaire, à l’instar de Un faux graphiste, bien connu des scrolleurs d’Instagram. 

Il a relayé la pétition lancée par Emma et s’est fendu d’un strip dans la foulée. 

Les dessinateurs Matthieu Bablet et Boulet ont également relayé le message de la dessinatrice.

« Si vos fantasmes sont les traumas de centaines de milliers de victimes et que vous avez envie de parler de ces fantasmes, allez voir un psychiatre plutôt qu’une maison d’édition », s’est fendu le dessinateur Loïc Sécheresse.

Un mouvement de dénonciation auquel s’est par ailleurs également jointe la réalisatrice Andrea Bescond, qui avait signé, en 2018, Les Chatouilles, un film puissant sur la pédocriminalité.

« J’en ai rien à cirer que ce mec ait le droit de faire ses BD immondes (je ne suis pas pour l’interdire). Juste on peut demander que le principal festival de BD évite de le mettre en avant », a estimé la militante féministe Caroline de Haas sur Twitter.

La réponse de Vivès, celle d’Angoulême se fait attendre

Depuis cette montée de boucliers, Bastien Vivès dénonce un puissant cyberharcèlement contre lequel il a déposé une main courante. 

« J’ai reçu beaucoup de menaces sur les réseaux. Des ’on va te crever, tu ne mérites pas de vivre’… J’ai déposé une main courante. J’ai largement de quoi déposer plainte. On m’y encourage mais je ne suis pas très procédurier », déclarait-il au Parisien lundi. 

« S’il faut le redire, je vais le redire. Non, je ne suis pas pédophile et non, ce n’est pas mon fantasme. Si on veut lire honnêtement mes œuvres, on s’en rend compte facilement », ajoutait-il.

Il peut d’ailleurs aussi compter sur plusieurs soutien, dont celui, évidemment de son éditeur, mais aussi d’autres auteur comme Catel Muller : « L’œuvre de Bastien, dans son originalité et sa complexité, ne peut être ni réduite ni détruite par des esprits puritanistes »

Son éditeur Benoît Mouchart a également tonné dans Libération : « À quel endroit fait-il une quelconque apologie ? Est-il désormais impossible de représenter les tabous ? »

La direction du Festival envisageait, selon BFMTV, de communiquer mardi sur le sujet, sans donner suite pour le moment. 


MISES À JOUR



À lire également

« De la fiction au réel : Bastien Vivès, auteur de bande dessinée » sur le site ActuaLitté.
« Le cas Vivès » sur le site Actua BD.




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