mardi 7 mai 2019

En Afrique, « la caricature est dangereuse et ne nourrit pas son homme »

Emeline Wuilbercq sur le site du Monde.


Manque de débouchés, menaces, voire emprisonnement… La vie d’un caricaturiste en Afrique n’est pas un long fleuve tranquille. 

Sur ce continent, « le dessinateur de presse est le parent pauvre du journalisme et de l’art, c’est celui qu’on prend le moins au sérieux », résume Willy Zekid

L’homme, Willy Mouélé de son vrai nom, sait de quoi il parle.


Originaire du Congo-Brazzaville, pays qu’il a fui à la fin des années 1990, l’auteur de la bande dessinée Takef était présent lors de la 26e édition de la Journée mondiale de la liberté de la presse organisée conjointement par l’UNESCO, le gouvernement éthiopien et l’Union africaine à Addis-Abeba, du mercredi 1er au vendredi 3 mai.

À cette occasion, l’association Cartooning for Peace, un réseau international de dessinateurs de presse cofondé par le dessinateur français Plantu et l’ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, a rassemblé 26 dessinateurs, dont 20 Africains, et organisé l’exposition « Cartooning in Africa ».

Liste des dessinateurs - dessinatrices participant-e-s: Sherif Arafa (Egypte), Elias Areda (Ethiopie), Bob (Danemark), Brandan (Afrique du Sud), Henok Demessie (Ethiopie), Gado (Kenya), Ali Ghamir (Maroc), Xavier Gorce (France), L’Andalou (Algérie), Victor N’Dula (Kenya), Oscar (Guinée), Odia (Sénégal), Piçarra (Angola), Plantu (France), Pov (Madagascar)Lars Refn (Danemark), Alaa Satir (Soudan), Roman Tadesse (Ethiopie), Tayo (Nigéria), Wichmann (Danemark), Willis from Tunis (Tunisie), Willy Zekid (République du Congo), Yemsrach Yetneberk (Ethiopie), Zapiro (Afrique du Sud), Zohoré (Côte d’Ivoire), Zunar (Malaisie).

Réunis en Éthiopie par Cartonning for Peace à Addis Abeba, les dessinateurs d’Afrique, d’Europe et de Malaisie appellent à la libération du dessinateur turc Musa Kart qui vient d’être emprisonné une deuxième fois en Turquie.

Un événement inédit sur le continent, lors duquel les caricaturistes africains ont pu rappeler l’importance de se fédérer pour défendre leur droit de s’exprimer.

« Isolés, nous sommes fragiles. Ensemble, nous pouvons créer une synergie », assure Willy Zekid.

« En temps normal, nous sommes dans nos micro-pays en train de faire des dessins. Le fait de se retrouver ensemble nous rend plus forts », abonde Lassane Zohoré, cofondateur de Gbich !, un journal satirique ivoirien tiré à 10 000 exemplaires.


La rencontre veut aussi mettre un coup de projecteur sur ce métier aux confins de l’art et du journalisme que « les autorités méprisent », selon lui.

Politiquement correct

Venus du Cap, de Khartoum, d’Alger ou du Caire, ces as du crayon ont profité de leur présence à Addis-Abeba pour discuter sans tabous des défis auxquels ils sont confrontés et jeter les bases d’un projet de livre illustré sur la liberté de la presse en Afrique, qui paraîtra l’an prochain à l’occasion d’« Africa 2020 », la saison africaine en France, aux éditions Calmann-Lévy. 

Ces hommes et femmes âgés de 28 à 60 ans ont eu l’occasion de comparer leurs conditions de travail et de mesurer qu’« il y a plusieurs Afriques » et que « les réalités sont différentes d’un pays à l’autre », comme s’en ouvrait Zohoré lors d’une session à huis clos entre caricaturistes, samedi, à l’Alliance éthio-française d’Addis-Abeba.

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