Gérard Biard sur le site de Charlie Hebdo.
Comment trouver plus beau titre pour rendre hommage à Cabu ? Son rire, c’est en tout cas ce dont je me souviens le plus de ma première rencontre avec lui. C’était à la fin des années 1970, dans un salon de la bande dessinée, à Paris. Il dédicaçait ses albums, aux côtés de Reiser, Gotlib, Wolinski, Franquin…
À l’époque, parmi les personnages récurrents de Cabu, côtoyant le Grand Duduche, le Beauf, Catherine Saute-au-paf, l’adjudant Kronenbourg, et naturellement tous les politiques et « people » du moment, on retrouvait régulièrement son « petit mongolien ».
Aujourd’hui, on dirait « une jeune personne en situation de trisomie ».
Aujourd’hui, d’ailleurs, on n’oserait même pas l’évoquer, ce personnage. Cabu le dessinait avec malice et une vraie tendresse. Il s’en servait souvent en contrepoint d’autres personnages, moins sympathiques. Moi, je l’adorais, je le trouvais d’une drôlerie phénoménale.
Alors, quand mon tour de dédicace est arrivé, j’ai dit : « J’aimerais que vous me dessiniez un petit mongolien. » Le visage de Cabu s’est illuminé, il a crié « Ah oui ! » et il a éclaté de rire. Et pendant tout le temps où il a dessiné « mon » petit mongolien, Cabu rigolait.
Ce rire, je l’ai retrouvé bien plus tard, quand Charlie Hebdo est reparu, et que j’ai fait partie de l’aventure. Rue de Turbigo, je l’entendais jusque dans mon bureau, à l’autre bout de la rédaction. Le rire de Cabu dans les locaux de Charlie, cela voulait dire qu’un bon dessin avait été trouvé, par lui ou par d’autres, qu’une idée avait fusé, ou qu’une énormité avait été dite.
Ce rire oscillant entre le gloussement enfantin et la franche rigolade, je suis sûr que nous allons tous le réentendre dans les allées de l’exposition de la Mairie de Paris.
On le retrouvera nous accompagnant au fil des huit thématiques – « Les personnages de Cabu » ; « La France de Cabu » ; « Les présidents de Cabu » ; « Les « people » de Cabu » ; « Les combats de Cabu » ; « Le panthéon de Cabu » ; « La méthode à Cabu » ; « La Trèfle de Cabu » – qui disent toute l’humanité, toute l’intelligence, toute la liberté d’esprit, toute l’acuité d’analyse, toute la magie du trait, bref, tout le génie, tout le talent de Cabu.
Ce rire, il se mêlera sûrement à celui des visiteurs. Un rire sans doute un peu étranglé, lui. Parce que devant ces dessins, ces planches, ils réaliseront ce qu’ils ont perdu, ce que nous avons tous perdu, ce 7 janvier-là. ●
Du 9 octobre au 19 décembre 2020
mardi au samedi, de 10 heures à 18 h 30
Hôtel de Ville, salle Saint-Jean, 5, rue de Lobau, Paris 4e.
Entrée gratuite.
Entrée gratuite.
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