jeudi 2 septembre 2021

Pierre Kroll gommé des écrans de la RTBF

 Sur le site du Soir.


Le cartooniste Pierre Kroll n’a plus sa place dans les émissions de débats de la RTBF. Vous êtes sûrs ? Personne ne lui a rien dit…
Qu’est-ce qu’il a fait ? On ne sait pas très bien. Mais c’est fini pour lui… 

Pierre Kroll n’a reçu ni courrier ni coup de téléphone de la RTBF mais il ne fait pas partie de la grille de rentrée. Après 35 ans de collaboration, le constat est amer.

« Je prévoyais de donner prochainement une conférence à Stavelot dans l’expo “Cartooning for peace” sur le thème le dessin de presse est foutu », ironise le cartooniste. 

« Là, il va complètement disparaître des écrans de la RTBF… Je ne vais pas m’effacer pour autant. Je ne prends pas ma retraite. Je continue de dessiner tous les jours dans Le Soir

Je ne suis pas fâché mais je me pose des questions sur la place du dessin dans le paysage médiatique. »

Sommes-nous entrés dans une époque où le dessin fait peur ? Quel est le rôle, le statut du caricaturiste dans la société actuelle ? Le dessin de presse est dérangeant par nature et certains médias semblent supporter de moins en moins la présence des « gros nez »

A l’inverse de la RTBF, Arte a pourtant fait le choix de l’impertinence avec Coco et Chappatte dans le magazine d’actualité d’Arte, 28 Minutes.

« La RTBF m’a laissé entendre, sans vraiment le dire, que les raisons de la fin de ma collaboration seraient budgétaires », explique Pierre Kroll. 

« Mais aucune raison officielle ne m’a été communiquée. Et quoi qu’il en soit, cela n’enlèverait rien au caractère regrettable de la décision. Le dessin fait réfléchir le téléspectateur. Il met une intention dans l’image et cela peut évidemment créer des malentendus dont certains éditeurs et producteurs ne veulent plus aujourd’hui. Je ne juge pas, mais je constate simplement que la RTBF n’a plus envie de me voir dessiner en direct dans les débats télévisés. »

Pierre Kroll est un talent unique en son genre, un funambule du trait, doublé d’un virtuose de la pensée politique. S’en priver, c’est gommer l’humour et la poésie du débat. Son dessin moque autant qu’il explique. Dans le grand cirque de la politique belge, c’est une institution dont se prive aujourd’hui la RTBF.

« J’ai fait mes premiers dessins à la télé pour les débats de L’écran témoin , où Mamine Pirotte voulait apporter un peu de liberté et d’audace. Elle avait vu Michel Polac agiter le petit écran avec les dessins de Cabu et de Plantu. Et j’ai fait le portrait de Mamine à poil dans une émission sur le naturisme ! Tout le monde a trouvé ça très drôle. Je raconte cette anecdote pour dire que le dessin de presse doit être assumé et soutenu. Là, je ne suis pas fâché, mais j’ai le sentiment d’être lâché… »

Au siècle des attentats contre Charlie Hebdo , les dessinateurs de presse ont plus jamais besoin d’être en confiance pour exercer leur métier. 

« Avant la polémique des caricatures de Mahomet, dessiner l’actualité était sans danger », rappelle Pierre Kroll. « Ceux que cela choquait ou que cela n’intéressait pas, ne regardaient pas. Aujourd’hui, plus personne ne passe à côté et c’est ce qui rend le dessin de presse d’autant plus indispensable, à condition qu’il soit bien compris. Je ne ferme aucune porte pour l’avenir. Je pense qu’il y a quantité de lieux de parole possibles, à la RTBF ou ailleurs. »

Pierre Kroll insiste aussi sur l’importance de l’humour dans le débat. 

« Le dessin met du rire dans les débats sérieux et c’était ma spécialité à la RTBF. Cela pose indirectement la question de savoir si l’on peut encore rire, où et de quoi, en dehors bien entendu des émissions dédiées aux humoristes… »

A cet égard, le covid aura sans doute marqué un tournant. Pour des raisons sanitaires, la RTBF avait arrêté d’organiser des débats télévisés en présentiel. Pierre Kroll ne dessinait plus en live mais devait fournir ses dessins à l’avance et certains ont laissé entendre qu’il était difficile d’intégrer du dessin aux interventions de citoyens par Skype.

« Je suis un artiste du direct », explique Pierre Kroll. « C’est dans le live que je trouve mon public et tout le monde ne se sent pas à l’aise avec ça. Je pense qu’il y a une dimension intellectuelle dans le dessin, qui n’a peut-être plus sa place à la télé à l’ère des réseaux sociaux. Mais ce n’est pas à moi de trancher. »

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