jeudi 11 avril 2019

Les élections européennes vues par le cartooniste Joep Bertrams

Sur le site de Courrier international.


Joep Bertrams est cartooniste, néerlandais, européen. Pour lui, les élections européennes de mai prochain seront sans effet tant que le Parlement ne disposera pas de réels pouvoirs.

Entretien:

Est-ce que vous pensez qu’une autre Europe est possible après ces élections ?

Elles n’auront aucun effet. Tant que le Parlement européen reste tel qu’il est – c’est-à-dire sans réel pouvoir –, rien ne changera.

Et quand bien même il aurait du pouvoir, quand vous voyez les larges groupes qui se constituent, comme le PPE [Parti populaire européen] qui rassemble la CDU de Merkel et le Fidesz d’Orbán, vous pouvez imaginer l’inertie que ça génère ! 


Il y a certes une élection et un fonctionnement très démocratique du Parlement, mais cela ne sert à rien, sinon à donner un mégaphone aux populistes lors des débats à Strasbourg.

Mais si de nouvelles tendances émergent après les élections, les choses ne peuvent-elles pas changer ? En pire ou en mieux ?

Je ne le crois pas. Les votes sont trop dispersés. Et si vous ajoutez l’abstention, choisir une liste pour ces élections, c’est comme mettre une goutte de sirop de grenadine dans un immense réservoir d’eau : ça colore à peine le liquide et ça ne change pas le goût.

Cette profusion de listes a beau être démocratique, la dispersion ne fonctionne pas.

Qu’on ne s’y trompe pas, je suis un grand partisan de l’Union européenne : nous ne pourrions pas vivre en paix sans elle. Et c’est bien pour ça que je pense que le Parlement devrait être plus fort. 


À l’heure actuelle, la Commission et un certain nombre d’États exercent davantage de pouvoir que le Parlement. Or c’est pour ce Parlement que nous votons. 

C’est lui qui doit reprendre la main. Mais je ne sais pas comment.

Est-ce que l’UE est une source d’inspiration majeure pour vous ?

C’est l’une des sources d’inspiration de mes dessins, oui. Et si l’on considère que, à chaque fois que je croque Macron, Salvini ou May, je croque l’Europe, c’est une source majeure.




Vous dessinez l’Europe comme une femme grassouillette, d’âge moyen, facilement effrayée. Cette Madame Europe résume-t-elle l’état de l’Union : une institution vieillissante et souvent impuissante ?

L’Europe est une femme, c’est ce que nous raconte la mythologie [avec l’enlèvement de la princesse Europe par Zeus métamorphosé en taureau]. Et c’est indéniable, elle n’est pas en grande forme. 

Elle est contrôlée par des règles et règlements et non par des convictions ou par la recherche de la beauté. Elle est parfois égoïste. 

C’est plus une grand-mère, ou une belle-mère, mais pas une mère aimante ou une belle et jeune femme.


En tant qu’Européen et en tant que cartooniste qui cherche où le bât blesse, quelle est la chose la plus risible dans les élections à venir ?

Ce que je trouve totalement fou, c’est le fait que ces élections mettent surtout en avant des enjeux nationaux. 

Les élections européennes ne sont déjà pas très connues et populaires, mais là, elles sont phagocytées par d’autres débats : des sujets nationaux portés par des politiciens nationaux.

Propos recueillis par Virginie Lepetit

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