mercredi 19 février 2020

André-Philippe Côté : L'homme qui fait parler les images

Sur le site Les libraires.


S’il est le caricaturiste attitré au journal Le Soleil depuis 1997, c’est par contre depuis 1984 qu’André-Philippe Côté y publie ses dessins humoristiques, tout comme il le fait à l’occasion pour La Presse

Pour notre plus grand plaisir, ses caricatures exagèrent — parfois à peine! — ou ridiculisent certains comportements en lien avec les sujets chauds, les personnages marquants, les enjeux mondiaux, locaux ou provinciaux qui meublent notre actualité. 

Mais la force de Côté, c’est qu’au-delà de semer le sourire aux coins de nos lèvres, il sème la réflexion profonde dans nos méninges…


Être caricaturiste demande d’être constamment informé sur l’actualité. Comment parvenez-vous à vous tenir à jour sur tout ce qui se passe, ici comme ailleurs?

Je consulte quatre ou cinq journaux par jour. Se tenir informé est de plus en plus facile avec Internet et les réseaux sociaux. En général, je vais me concentrer sur les nouvelles les plus importantes, celles qui font la une, celles qui déclenchent des débats ou celles qui touchent des enjeux majeurs. En plus des journaux, je regarde les journaux télévisés et écoute des émissions d’information à la radio.

La matière première d’un caricaturiste est souvent les frasques des politiciens ou autres personnalités publiques. À force de dessiner les bêtises humaines, comment préservez-vous votre foi en l’humanité?

Je n’ai pas l’impression que la bêtise domine le monde politique, j’ai plutôt l’impression que la bêtise est bien répartie dans toutes les sphères de la société. Il y a bien sûr des incompétents, des arrivistes et des démagogues en politique et c’est mon travail de les dénoncer. 

Le public me semble tout de même très sévère avec les politiciens et je lutte contre les idées telles que : les politiciens sont tous corrompus, ils sont tous pareils, ils s’en mettent plein les poches, etc. 

La politique au Québec, malgré ses lacunes, me semble plus saine que dans bien des pays, sans nommer les États-Unis où le financement des partis est vicié. Le monde se complexifie et les politiciens ont de plus en plus de difficulté à suivre le rythme, ce qui provoque bien des erreurs.

Avec les bouleversements que vivent les médias, comment entrevoyez-vous l’avenir d’un caricaturiste au Québec?

L’avenir de la caricature est intimement lié à celui de la presse écrite. Les journaux sont le terreau de la caricature. La diffusion des caricatures sur Internet est formidable dans sa capacité à atteindre de larges publics, mais cette diffusion n’a pas permis de générer des revenus intéressants ou suffisants pour les artistes. 

Le journal pour lequel je travaille, Le Soleil, est devenu une coopérative et développe un nouveau modèle d’affaires : je souhaite de tout cœur que ce projet soit porteur d’espoir pour les médias écrits.


Que pensez-vous de la décision du New York Times qui, devant la polémique liée à la publication d’une caricature de Trump tenant en laisse le premier ministre israélien, a annoncé la fin des caricatures politiques entre ses pages?

C’est regrettable. Cette frilosité de certains médias est le résultat des procès d’intention qui se déroulent sur les réseaux sociaux. Cette vindicte populaire est parfois déplorable, mais parfois salutaire. C’est une nouvelle tendance avec laquelle il faudra apprendre à composer.

Cinq ans après la tuerie à Charlie Hebdo, qu’est-ce que ce triste événement évoque, ou provoque en vous, vous qui partagez la même profession?

Le sentiment que la liberté d’expression qui a été acquise de longues luttes est assez fragile. Une attaque terroriste, un dictateur, un procès dans les réseaux sociaux peuvent la faire reculer. Nous devons être vigilants et tout faire pour préserver cette liberté, même lorsque cela implique de tolérer des discours qui sont à l’opposé de nos valeurs.

Avez-vous déjà été censuré?

Non, jamais. Mes employeurs ont un grand respect pour mon travail et mes idées. Certaines caricatures ont déjà déclenché des réactions négatives et, chaque fois, j’ai eu le soutien de l’équipe éditoriale.

En quoi l’humour (incidemment la caricature) est-il un bon outil pour passer de l’information?

Je ne crois pas que la caricature « passe de l’information ». La caricature est davantage un instantané d’un moment particulier de la société dans laquelle on vit. Avec une caricature, on peut parfois résumer dans une image simple et efficace un débat complexe, on peut dénoncer une situation intolérable, on peut mettre en lumière un travers de la société. Le caricaturiste n’apporte pas une nouvelle information, il met en image une information préexistante.



Vous êtes également peintre (comme on le découvre dans la monographie L’autre Côté, Alto). Qu’aimez-vous dans cette approche libre de toute « actualité »? Comment vous y épanouissez-vous?

La peinture est pour moi l’exact contraire de la caricature. La caricature repose sur le dire, la peinture sur le voir. Dans un cas, il faut beaucoup réfléchir, dans l’autre, beaucoup ressentir. J’aborde la peinture comme un vaste espace blanc où je laisse venir les images.

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