Photo: François Desaulniers |
Roland Berthiaume, né le 12 décembre 1927 à Montréal, aussi connu sous le nom de plume Berthio, est décédé hier à Montréal à l’âge de 93 ans.
Des années 1950 aux années 1990, il a travaillé à titre de caricaturiste pour les quotidiens La Presse, Le Devoir, Le Jour et Le Soleil entre autres ainsi que pour les magazines L'Actualité et Croc.
En 1973, Berthiaume obtient le prix Olivar-Asselin pour son œuvre dans le domaine journalistique.
Le fonds d'archives de Roland Berthiaume est conservé au centre d'archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec.
Bienvenue à Expo 67, Berthio, Le Devoir, 23 mars 1967 |
AJOUTS
Extraits de l'ouvrage «Histoire de la caricature au Québec» de Robert Aird et Mira Falardeau (Montréal, vlb éditeur, 2009, p. 147-151).
Boris Proulx dans Le Devoir
Le caricaturiste Berthio n’est plus
Le caricaturiste québécois Roland Berthiaume, alias Berthio, dont les œuvres éditoriales ont été publiées dans Le Devoir et plusieurs autres journaux du Québec depuis le milieu du siècle dernier, a été emporté lundi par la COVID-19. Il avait 93 ans.
« C’est avec sérénité et tristesse que je veux vous faire part du décès [lundi] de mon père Roland Berthiaume. Il souffrait d’Alzheimer depuis de nombreuses années, mais c’est la COVID qui l’a emporté », a annoncé sa fille Sylvie Berthiaume sur les médias sociaux.
L’artiste né en 1927 à Montréal a notamment dessiné le Québec de la Révolution tranquille pour le compte de La Presse et du Nouveau Journal, avant de se joindre au Devoir pour réaliser des caricatures éditoriales à partir de 1965.
Il a également collaboré à plusieurs autres publications, dont l’hebdomadaire Dimanche-Matin et les magazines L’actualité et Croc, jusqu’à la fin des années 1980.
Berthio a clos sa carrière en 1997 après plusieurs années passées au journal Le Soleil, à Québec.
« Il faisait partie des pionniers de la caricature, avec Robert Lapalme et Normand Hudon. Il a emmené ton plus moderne, un style plus européen, et il avait une belle lecture de l’actualité politique.
Il a inspiré toute une génération de caricaturistes », se rappelle Michel Garneau, dit Garnotte, caricaturiste au Devoir qui a côtoyé Berthio à l’époque de Croc.
« Il était très noble, et c’est un dessinateur qui avait des convictions. »
De par sa notoriété, Berthio aurait ainsi contribué à celle de Croc, magazine emblématique de la caricature au Québec né en 1979, confirme son cofondateur Pierre Huet.
« Je suis honoré d’avoir été son boss. C’était un grand monsieur, un être de noblesse. C’était très drôle de voir la différence entre le personnage qu’il était, et les personnages qu’il dessinait. »
« C’était un très grand caricaturiste. C’était un de nos modèles. Il arrivait à capturer en très peu de lignes la ressemblance de quelqu’un », témoigne Guy Badeaux, caricaturiste au journal Le Droit sous le nom de plume Bado, joint par Le Devoir.
Berthio a remporté différents prix pour ses caricatures, dont le prix Olivar-Asselin de la Société Saint-Jean-Baptiste en 1973, pour sa contribution dans le domaine journalistique.
On lui doit également quatre recueils de caricatures, publiés entre 1961 et 1981.
Normand Provencher dans Le Soleil
Caricaturiste dans plusieurs quotidiens et magazines québécois, dont Le Soleil, pendant cinq décennies, homme de gauche convaincu, fervent indépendantiste, Roland Berthiaume, alias Berthio, n’est plus.
L’artiste à la plume sagace s’est éteint en fin de journée, lundi, après un court séjour dans un hôpital de Montréal. Il était âgé de 93 ans.
Depuis une dizaine d’années, il n’était plus le même homme, confie au bout du fil son fils Daniel. Une aphasie sévère l’empêchait de parler et de communiquer avec son entourage. En perte d’autonomie, il a écoulé ses derniers jours dans une résidence pour personnes âgées.
À titre de fils unique – le disparu laisse aussi dans le deuil ses deux filles Sylvie et Anne-Marie – Daniel Berthiaume avoue «être mal placé pour faire son éloge», n’empêche, il ne peut s’empêcher de voir dans son paternel «l’un des grands caricaturistes de l’histoire».
«Mon père était un portraitiste extraordinaire. C’est comme si on sentait ses personnages. Il avait une finesse d’esprit pour saisir l’actualité, cet art de faire ressortir les travers des politiciens, mais sans méchanceté.
Il était capable d’aller chatouiller les limites, de rester respectueux tout se foutant de la gueule des gens.»
Un pionnier de l’indépendance
Dès ses premières armes dans le métier, d’abord à La Presse et au Nouveau Journal, entre 1959 et 1965, puis au Montréal-Matin et au Devoir, jusqu’à son dernier coup de crayon au Soleil, en 1997, en passant par des collaborations à L’Actualité et au défunt magazine humoristique Croc, Berthio n’a jamais caché ses opinions politiques.
La souveraineté du Québec représentait pour lui une cause à défendre bec et ongles, son passage au journal Le Jour, organe politique du Parti québécois, en témoignant.
«C’était vraiment un pionnier de l’indépendance. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il avait quitté Le Devoir, à l’époque de (Claude) Ryan, qui était plutôt fédéraliste.
Politiquement, il était très proche de René Lévesque, c’est-à-dire profondément démocrate», confie Daniel Berthiaume, qui conserve le souvenir, gamin, d’être allé avec lui à l’assemblée de fondation du Mouvement Souveraineté-Association, au centre Paul-Sauvé, à la fin des années 60.
La Crise d’octobre laissera chez Berthio un goût amer. Les actes terroristes du Front de libération du Québec, avec l’assassinat du ministre libéral Pierre Laporte comme point d’orgue, ont représenté pour lui une grave nuisance à la cause nationaliste.
Une caricature restée mémorable pour son fils et beaucoup de lecteurs de l’époque montre l’archétype du patriote pointant son fusil vers sa tête. «C’est son grand, grand classique», mentionne Daniel Berthiaume.
Depuis une dizaine d’années, il n’était plus le même homme, confie au bout du fil son fils Daniel. Une aphasie sévère l’empêchait de parler et de communiquer avec son entourage. En perte d’autonomie, il a écoulé ses derniers jours dans une résidence pour personnes âgées.
À titre de fils unique – le disparu laisse aussi dans le deuil ses deux filles Sylvie et Anne-Marie – Daniel Berthiaume avoue «être mal placé pour faire son éloge», n’empêche, il ne peut s’empêcher de voir dans son paternel «l’un des grands caricaturistes de l’histoire».
«Mon père était un portraitiste extraordinaire. C’est comme si on sentait ses personnages. Il avait une finesse d’esprit pour saisir l’actualité, cet art de faire ressortir les travers des politiciens, mais sans méchanceté.
Il était capable d’aller chatouiller les limites, de rester respectueux tout se foutant de la gueule des gens.»
Berthio «J’appuie Parizeau», Le Soleil, 12 avril 1994 |
Un pionnier de l’indépendance
Dès ses premières armes dans le métier, d’abord à La Presse et au Nouveau Journal, entre 1959 et 1965, puis au Montréal-Matin et au Devoir, jusqu’à son dernier coup de crayon au Soleil, en 1997, en passant par des collaborations à L’Actualité et au défunt magazine humoristique Croc, Berthio n’a jamais caché ses opinions politiques.
La souveraineté du Québec représentait pour lui une cause à défendre bec et ongles, son passage au journal Le Jour, organe politique du Parti québécois, en témoignant.
«C’était vraiment un pionnier de l’indépendance. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il avait quitté Le Devoir, à l’époque de (Claude) Ryan, qui était plutôt fédéraliste.
Politiquement, il était très proche de René Lévesque, c’est-à-dire profondément démocrate», confie Daniel Berthiaume, qui conserve le souvenir, gamin, d’être allé avec lui à l’assemblée de fondation du Mouvement Souveraineté-Association, au centre Paul-Sauvé, à la fin des années 60.
La Crise d’octobre laissera chez Berthio un goût amer. Les actes terroristes du Front de libération du Québec, avec l’assassinat du ministre libéral Pierre Laporte comme point d’orgue, ont représenté pour lui une grave nuisance à la cause nationaliste.
Une caricature restée mémorable pour son fils et beaucoup de lecteurs de l’époque montre l’archétype du patriote pointant son fusil vers sa tête. «C’est son grand, grand classique», mentionne Daniel Berthiaume.
Berthio, Le Devoir, 20 octobre 1970 |
Direct, fin, efficace
André-Philippe Côté, qui lui a succédé au Soleil, en 1997, confie que «le Berthio que j’admirais le plus, c’était celui des années 70 et 80, à l’époque des affrontements entre libéraux et péquistes. C’était vraiment fort (…) Il avait un style très dépouillé, direct, fin, très efficace.»
«Berthio, en plus de 40 ans de dessins, s’inscrit comme un de nos plus grands artistes du rire», témoigne dans son livre Histoire de la caricature au Québec, l’historienne de l’art Mira Falardeau.
«Un grand monsieur, très élégant, de la vieille école», dit-elle en entrevue.
«Au niveau du dessin, il avait une ligne claire bien à lui, une ligne à l’européenne, ce qui est admirable dans le monde de la caricature. Tu voyais (un dessin de) Berthio et tu savais tout de suite que c’était lui. C’était un grand artiste.»
«Au niveau du dessin, il avait une ligne claire bien à lui, une ligne à l’européenne, ce qui est admirable dans le monde de la caricature. Tu voyais (un dessin de) Berthio et tu savais tout de suite que c’était lui. C’était un grand artiste.»
Un homme discret
Comme nombre de créateurs, c’est dans la solitude de son atelier du domicile familial, penché sur sa table à dessin, que Daniel Berthiaume a toujours vu son père besogner.
Jamais il n’a travaillé dans une salle de rédaction. C’était un homme de peu de mots. «Il n’était pas très “social”. Il était plutôt discret. Les communications sociales, ce n’était pas sa grande force. Sa façon de communiquer passait par ses œuvres.»
Même si ses facultés mentales avaient périclité dans les dernières années, Roland Berthiaume conservait une santé de fer.
Même si ses facultés mentales avaient périclité dans les dernières années, Roland Berthiaume conservait une santé de fer.
«Il ne prenait aucun médicament, il n’avait jamais été opéré», affirme son fils. Il s’est éteint au Jewish Hospital, emporté «peut-être par la COVID, on ne sait pas trop».
Merci de l'info et mes bonnes pensées pour ses proches. Je tiens son recueil *Les cent dessins du Centenaire* (éd. Parti pris, 1967), pour la meilleure histoire illustrée de la Révolution tranquille.
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