vendredi 2 septembre 2022

Tempête en vue au «Canard enchaîné»

Sur les sites de Télérama et du Monde.


L’épouse d’André Escaro, dessinateur historique aujourd’hui âgé de 94 ans, aurait bénéficié d’un emploi fictif au sein de l’hebdomadaire satirique pendant environ vingt ans, assure un journaliste du titre, Christophe Nobili. 

Et pas pour des queues de cerise : elle aurait perçu environ 3 millions d’euros sur la période. 

Sacrée poire pour la soif ! Le système aurait perduré jusqu’en 2020, date à laquelle la « collaboratrice » aurait accédé à la retraite. 

Présent au Canard depuis une quinzaine d’années, Christophe Nobili a déposé le 10 mai dernier une plainte contre X, à la manière d’un lanceur d’alerte, pour abus de biens sociaux et recel d’abus de biens sociaux. 

« La plainte ne vise pas le journal, mais un système qui a été mis en place par deux ou trois personnes, et sur lequel d’autres ont peut-être fermé les yeux », explique son avocat, Pierre-Olivier Lambert, cité par Le Monde

Il confie aussi à France Inter que « ces faits, s’ils avaient été découverts partout ailleurs, auraient immédiatement fait l’objet d’une page dans Le Canard

C’est dans cet esprit de probité, d’honnêteté, et surtout de courage que Christophe Nobili a décidé de mener cette procédure ». 

Une enquête préliminaire a été ouverte, les policiers de la brigade financière de Paris ont commencé à interroger les salariés de l’hebdomadaire.

S’ils étaient avérés, ces faits constitueraient un sacré coup dur pour le journal. 

Déjà en proie à des tensions internes sur fond de baisse des ventes et de conflit de générations, qui se sont notamment traduites par la création d’une section syndicale (SNJ-CGT) à l’initiative du même Nobili — une première dans l’histoire du journal —, l’hebdomadaire risque de voir son image profondément écornée par cette affaire. 

Véritable institution au sein de la presse française, férocement attachée à son indépendance, Le Canard enchaîné a construit sa réputation en matière de journalisme d’investigation en révélant affaires d’État et de corruption en tous genres au fil des décennies. 

En pleine campagne présidentielle de 2017, il a par exemple dévoilé l’emploi fictif dont avait bénéficié pendant des années Penelope Fillon au sein de l’Assemblée nationale, alors que son mari, François Fillon, était député. 

Ce dernier ne s’est pas qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle et a depuis quitté la vie politique.

Dessin d'Aranega dans le Canard enchaîné. 

Aujourd'hui âgé de 94 ans, André Escaro a collaboré à Libération à la fin des années 1950, ainsi qu'au Réfractaire, journal libertaire et antimilitariste. 

Mais il est surtout l'un des piliers du Canard, où il entre en 1949. 

Jusqu'il y a encore quelques mois, il illustrait la Mare aux Canards, rubrique située en page 2 du journal, et consacrée aux échos politiques. 


Le dessinateur fournissait ainsi de petits croquis, appelés "cabochons". Les derniers en date remontent au mois de mai, moment où a été déposée la plainte.

André Escaro est aussi celui qui a mis au jour ce qui est ensuite devenu "l'affaire des faux plombiers"

Le lundi 3 décembre 1973 au soir, le dessinateur passe devant le 173 rue Saint-Honoré, à Paris, où se trouvent les nouveaux locaux du Canard enchaîné, encore en travaux. 

Il s'étonne d'y voir de l'activité. En montant, il surprend une dizaine d'individus, qui prétendent être des plombiers travaillant sur le chantier. 

Ce sont en réalité des agents de la Direction de surveillance du territoire (DST), occupés à poser des micros afin d'identifier l'identité de ceux qui livrent des informations au journal.

Dessinateur, André Escaro était également membre du conseil d'administration du Canard depuis les années 1980, et était donc entre autres chargé, à ce titre, de contrôler les comptes de la société. 

Son mandat a pris fin cet été : l'Assemblée générale qui s'est tenue le 22 juin dernier a décidé, dans sa huitième résolution, de mettre fin à son mandat et de le remplacer par les journalistes Odile Benyahia Kouider et Hervé Liffran.

André Escaro a-t-il permis à sa compagne d'obtenir un emploi fictif au sein du prestigieux titre de presse ? 

C'est la question à laquelle tentent de répondre les enquêteurs. Le préjudice est estimé à 3 millions d'euros.


« Le Canard enchaîné » se défend des accusations d’abus de biens sociaux

Le Canard enchaîné ne pouvait pas se faire voler dans les plumes sans réagir. 

Depuis que l’information de la plainte contre X pour « abus de biens sociaux » et « recel d’abus de biens sociaux » au sein du journal a été révélée, vendredi 26 août par Le Monde, la riposte du volatile était très attendue.

« La réalité dépasse le fictif », annonce le titre de l’article publié au bas de la « une » de l’édition datée mercredi 31 août et parvenue, comme chaque semaine, dans les rédactions parisiennes mardi après 17 heures. 

Signée du « comité d’administration », elle s’efforce de battre en brèche le caractère fictif de l’emploi de la compagne d’André Escaro, 94 ans, dessinateur historique du journal et ancien administrateur. 

Découverte par les journalistes de l’hebdomadaire au début de l’été, la plainte a été déposée le 10 mai par l’un des leurs, Christophe Nobili, 51 ans, plume du Canard depuis une quinzaine d’années.

Aux dires des administrateurs, la décision de « faire appel à Edith » remonte à 1996, lorsque l’auteur des cabochons (petits dessins) qui ponctuent « La Mare aux Canards », en page 2, a émis le souhait de prendre sa retraite. 

« Il est d’abord réticent, arguant que le cumul emploi-retraite n’est alors pas autorisé et, surtout, qu’il entend dorénavant s’éloigner des turbulences politiques… », assure le texte de six colonnes, où il est précisé qu’André Escaro souhaitait aussi se consacrer à ses passions. 

« Il cédera finalement, à condition que sa compagne, Edith, l’épaule en lui mâchant un peu le travail », expliquent les auteurs. 

Celle-ci aurait donc « lu la presse pour lui », et l’aurait aidé « à trouver l’astuce qui fait le sel des cabochons » – huit mille ont été conçus en vingt-six ans.


AJOUT

Emploi présumé fictif au Canard Enchaîné : des anciens salariés parlent d’une “magouille entre copains”

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire