mardi 1 novembre 2011

«Chroniques de Jérusalem» de Guy Delisle


Le blog de Guy Delisle.
Un  article de Judith Lachapelle publié dans La Presse du 5 novembre 2011.

Guy Delisle: vie ordinaire en pays déchiré

Jérusalem, c'est les points de contrôle astreignants, le conflit religieux perpétuel, une division de la ville controversée. Mais c'est aussi une balade en poussette au retour de la garderie, l'épicerie arabe, juive ou chrétienne, les bouchons de circulation. Après avoir raconté en cases et en bulles ses séjours asiatiques, le bédéiste québécois Guy Delisle livrera à la fin du mois son dernier album, un témoignage très personnel de son séjour à Jérusalem en 2008-2009. Nous l'avons joint chez lui en France, où il vit avec sa famille.

Une ville, deux quartiers, deux mondes parallèles. Pour Guy Delisle, l'une des manifestations les plus troublantes de cette cohabitation dysfonctionnelle est... un minibus vert. «Les Arabes et les Israéliens ont chacun leur système de bus, raconte-t-il. Du coup, ils se connaissent très mal.»
En quelques cases, le bédéiste illustre la complexité des déplacements entre les quartiers juifs et arabes, jusqu'à l'étonnement des chauffeurs israéliens qui ne savent même pas que les Arabes ont leurs propres bus. «Je trouvais intéressant de le raconter, dit le dessinateur. On parle de Jérusalem dans les grandes lignes, mais les petits détails permettent de voir à quel point ils peuvent vivre l'un à côté de l'autre sans se connaître.»
Armé ou pas?
Après avoir raconté ses séjours en Chine (Shenzhen, 2001), en Corée du Nord (Pyongyang, 2003) et à Rangoon (Chroniques birmanes, 2007), le bédéiste originaire de Québec a suivi sa femme, administratrice à Médecins sans frontières, pour une année à Jérusalem. Ses Chroniques de Jérusalem - qui paraîtront au Québec le 25 novembre aux éditions Delcourt - relatent sur le même ton léger mais lucide sa découverte de ce coin du monde qu'il ne connaissait guère avant d'y atterrir, au mois d'août 2008.
Au fil des pages, on découvre l'histoire très simple du quotidien de sa famille expatriée - Delisle s'occupe de ses deux jeunes enfants et habite Beit Hanina, un ancien village arabe annexé à la partie est de Jérusalem en 1967. Il observe les touristes de la vieille ville, se demande où faire l'épicerie, traverse des points de contrôle en Cisjordanie, est perplexe quant au mode de vie de certains humanitaires, s'évade au bord de la mer à Tel-Aviv, tente plusieurs fois de visiter l'esplanade des Mosquées, s'embourbe dans la bureaucratie, rage contre les bouchons de circulation entre l'école, la garderie et la maison. La vie ordinaire des Hiérosolymitains (les habitants de Jérusalem), quoi.
En toile de fond, une sécurité omniprésente. «C'est ce côté militaire que je trouvais difficile au bout d'un an, avec les enfants, dit-il. Je ne me suis pas habitué à me faire demander si j'avais une arme avant d'aller prendre un café.»
Liberté de parole
Guy Delisle revient notamment étonné par la liberté de parole dans la société israélienne. Lorsque des colons juifs d'Hébron s'en sont pris à des familles arabes, l'ancien premier ministre Ehoud Olmert a parlé de «pogroms perpétrés par des Juifs envers des Arabes». «Les journalistes israéliens se disent des choses qu'on n'oserait jamais dire dans nos journaux, observe-t-il. Ils se traitent de fascistes, d'Hitler. Je crois qu'on y penserait à deux fois en France avant d'écrire «pogrom» de cette façon. Mais entre eux, ils y vont franchement!»
Lui n'étale pas radicalement ses opinions, mais ne s'est pas privé pour les laisser filtrer. «C'est un témoignage, pas un reportage», précise-t-il. Il ne s'en cache pas, il a fréquenté beaucoup d'Israéliens de gauche. «Je ne crois pas que quiconque va là-bas en accompagnant les humanitaires, et qui voit ce qui se passe sur le terrain, revienne en disant: «Bravo les colonies.» Ce n'est pas possible.»
«Il y a encore 600 colonies qui vont se construire à Jérusalem-Est, note-t-il. Ce qui m'étonne, c'est que ça ait si peu d'écho. Je trouve toujours étonnant de voir ce que font les colons à Hébron, une bande de hooligans protégés par les soldats, et qu'il y a toujours des exactions. Quand je vois les reportages, je vois que rien ne change.»
Avis aux fans des récits de voyage de Delisle: ses Chroniques de Jérusalem seront les dernières du genre. «Les enfants grandissent et ça devient compliqué de s'expatrier, dit-il. Il n'y aura plus de longs récits comme celui-là. Mais bon, il y a d'autres livres que j'ai envie de faire...»


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