mercredi 15 février 2012

Cette caricature du roi vaut la prison à un jeune Marocain

Caricature de Damien Glez


«Nous, les caricaturistes, nous avons de longues oreilles à force de nous les faire tirer. Nous sommes habitués», affirme le journaliste et dessinateur de presse burkinabé Damien Glez.

Directeur du Journal du Jeudi, l'hebdomadaire satirique le plus lu d'Afrique de l'Ouest, Damien Glez parle en vieux routier. Il collabore régulièrement avec SlateAfrique où il tient sa chronique hebdomadaire Coupé-Décalé
«Ce qui est plus troublant, c’est quand nous assistons aux effets collatéraux de nos dessins, quand un journal est saisi à cause de notre cartoon ou quand des manifestations suivent la publication de caricatures au Danemark, caricatures de mauvais goût mais défendables», explique-t-il à SlateAfrique.
Le sujet qui préoccupe Damien Glez se passe au royaume chérifien. 
«Là, l’arrestation de Walid Bahomane, notamment à la suite d'un de mes anciens dessins, est troublante pour moi qui suis à l’extérieur du Maroc. Bien sûr, on est tenté de tirer le fil de la provocation pour assouplir enfin la sacralisation du monarque, ce qui lui rendrait service. En même temps, on est effrayé de mettre en danger un internaute, depuis notre confort burkinabè.»
Comme le raconte Global Voices, Walid Bahomane, 18 ans, a été interpellé et a comparu devant un tribunal de Rabat le 7 février, la capitale maorcaine, pour avoir publié sur Facebook «des photos et des vidéos satiriques du roi Mohammed VI» et pour avoir porté «atteinte aux valeurs sacrées du Maroc».
Lors de cette opération de police qui a eu lieu le 24 janvier dernier, les forces de l’ordre ont saisi «deux pages Facebook (sic) contenant des phrases et des images insultantes pour les valeurs sacrées, ainsi qu'un ordinateur IBM».
«L'arrestation de Walid Bahomane est la première depuis la réforme constitutionnelle de l'été dernier qui (théoriquement) a aboli le caractère “sacré” du monarque. Le roi est toujours, néanmoins, objet d'une grande dévotion dans le pays», explique le site.
Global Voices rappelle que cette affaire n’est pas la première: «En 2008 Fouad Mourtada, un jeune ingénieur, a été condamné à trois ans de prison pour s'être fait passer pour le frère du roi sur Facebook. Des protestations venues de partout et une campagne avaient obligé les autorités à libérer Fouad Mourtada un mois après son arrestation». 

L’histoire de Walid Bahomane, qui depuis a été placé dans une prison pour mineurs près de Rabat, suscite en tout cas beaucoup de réactions sur les réseaux.

Des internautes ont déjà créé un groupe de soutien sur Facebook appelé «Mohammed VI, ma liberté est plus sacrée que toi!». Sur cette page: «Les membres sont invités à publier et partager les caricatures du roi

Damien Glez partage la sienne: «Ce dessin du roi en "serrure" a été réalisé pour le quotidien français Le Monde, en 2009, pour le dixième anniversaire de règne de Mohamed VI.»
«Ce n’est pas un croquis très insultant, juste une évocation graphique des aspects sécuritaires du régime marocain. Mais on se heurte à l’impossibilité de représenter la famille royale. Le cartoonist marocain Khalid Gueddar a été condamné à 3 ans de prison avec sursis et 270.000 euros d'amende pour avoir représenté le cousin du roi. Sans impertinence particulière. On peut comprendre que chaque culture ait un rapport spécifique à la représentation humoristique des personnalités. Des dessinateurs libyens ou tunisien en ont l’amère expérience. Mais cette susceptibilité semble exagérée, au regard de la modernité que veut afficher le Maroc sur bien des plans.»

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