Rencontre avec l’auteur du Déclic, à l’occasion de la rétrospective de son œuvre à Paris. La galerie Huberty-Breyne présente une centaine de dessins, illustrations et planches originales du maître italien de l’érotisme.
Un parfum sulfureux le précède. Milo Manara est l’auteur de la célèbre BD érotique Le déclic parue en 1984. Une partie de son œuvre est exposée à la galerie Huberty-Breyne à Paris. Des premiers strips au Caravage sur lequel il travaille aujourd’hui, en passant par Le Parfum de l’Invisible et Candide Camera, l’exposition rassemble une centaine d’œuvres. Des illustrations, des dessins et des planches originales du maître Italien de l’érotique chic. Qui résument 40 années de carrière.
Je suis venu à la BD érotique parce que c’était subversif
« J’ai commencé la BD après mai 68. À l’époque, faire de la bande dessinée érotique était quelque chose de très subversif. Le sexe traversait aussi le cinéma (Le dernier tango à Paris de Bertolucci) et il a contribué à libérer la société. On a du mal à l’imaginer aujourd’hui, mais avant 68, on vivait comme des talibans !
J’ai découvert la BD pour adultes avec Barbarella de Jean-Claude Forest. J’ai alors trouvé ma voie. C’est un plaisir de dessiner des femmes nues. Pour moi, comme pour mes amis, l’érotisme occupait 70% de nos vies.
Mais je n’ai pas fait que ça, j’ai aussi dessiné des livres historiques, des biographies d’Oppenheimer, de Nobel ou d’Attila. Toujours des personnages controversés »
Écouter un extrait de l'entretien:
« La BD offre la possibilité d’aller dans toutes les directions, de pouvoir tout raconter. Elle donne la liberté de voyager dans l’espace, le temps. Le cinéma, est certes plus efficace avec des images mouvantes, du son, qui rendent les choses plus crédibles, plus émouvantes. Mais dans le cinéma, on est obligé d’avoir des limites, dès l’écriture du scénario. On ne peut pas tout faire. Alors qu’en BD tout est possible. »
J’ai été surpris par le succès du Déclic
« Le titre italien du Déclic était Un jeu. Le directeur d’une revue m’a demandé une BD. J’ai brodé à partir d’un salarié de ce journal, un homme plutôt laid qui travaillait au milieu de très belles femmes.
J’ai réfléchi au secret qu’il pouvait détenir pour les conquérir. J’ai alors imaginé qu’il avait une télécommande, pour faire un déclic. Sans penser au succès mondial qui allait suivre ! »
Avec Fellini…« C’était une belle amitié. J’ai fait des affiches pour ses derniers films (Intervista et la Voce della Luna) mais aussi deux albums de BD avec lui : Le Voyage de G. Mastorna et Le voyage à Tollum. Un voyage que Fellini a effectué parce qu’il voulait faire un film sur l’univers de l’écrivain mexicain Carlos Castaneda. Federico était très sensible, et tourné vers l’ésotérisme.
Pendant son voyage, il lui est arrivé quelques mésaventures. Il disait recevoir des signes d’une divinité Toltec le dissuadant de faire le film. Il a donc décidé d’abandonner son projet au cinéma, mais on en a fait une BD. »
Travailler sur la vie du Caravage, c’est retrouver le feu de la révolution
« Je suis en train de raconter la vie du Caravage dans un livre à paraître, j’espère, cet hiver. C’est un incroyable personnage, il a eu une vie aventureuse. C’était un peintre qui s’est battu contre le pouvoir (politique et religieux). Il a été censuré, il a été maltraité par lui. Mais il n’a pas été tendre non plus.
Hommage à Delacroix La liberté quide le peuple © Manara/Galerie Huberty-Breyne - 2014 |
Surtout dans la période dans laquelle on vit, on a besoin de se battre contre la dictature de la finance. J’ai l’impression que ce n’est pas facile d’identifier l’ennemi, c’est difficile d’organiser la résistance. Travailler sur le Caravage, comme je l’ai fait avec Delacroix, c’est retrouver la force, l’énergie et le feu de la révolution"
Manara, de Bergman au Caravage
du 20 juin au 6 septembre 2014
galerie Huberty-Breyne
91 rue saint-Honoré
75001 Paris
Le site de Milo Manara
AJOUT
« Manara, déclic et des bandes » de Vincent Bernière dans le blog « Les petits Miquets »
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