Du 29 juin au 6 octobre 2013, le Musée de la Bande Dessinée d'Angoulême présente l'exposition « Spirou : un héros dynamique ».
Dessin de Yoann |
Le parcours de l’exposition
75 ans et toujours bondissant !
Né en 1938, Spirou est d’abord un projet de journal porté par Jean Dupuis, imprimeur et éditeur de presse qui, au soir de sa vie, décide de doter la Belgique d’un hebdomadaire pour enfants, à l’exemple des nombreux titres de la presse française de l’époque.
Mais Spirou c’est aussi le héros qui incarne le journal. Devenu groom par la fantaisie du premier dessinateur qui l’a mis en forme, il est présent dès le numéro 1 (il s’anime et saute de la page où il est dessiné après que son créateur l’a aspergé… d’eau-de-vie !) et est un cas presque unique dans la bande dessinée francophone : il n’appartient pas à un créateur mais à son éditeur qui, après en avoir imaginé le nom et défini l’esprit, les qualités et les valeurs, guide ses destinées depuis trois quarts de siècle.
Apparu en Belgique alors qu’en Europe montaient les périls, Spirou a traversé la Seconde Guerre mondiale sans se départir de sa droiture, malgré les pressions et les embûches. Depuis, passé entre les mains de très grands créateurs, il a symbolisé une esthétique dite de « l’école de Marcinelle » qui se caractérise par la rondeur, la lisibilité et le dynamisme.
Savoureux mélange d’action et d’humour, le monde de Spirou a connu d’innombrables et passionnants développements. Nous vous invitons à (re)découvrir sans plus tarder l’histoire, les auteurs, les compagnons, en bref l’univers foisonnant d’un des héros marquants de la bande dessinée mondiale.
Joyeux anniversaire, Spirou !
Le groom du Moustic Hôtel
À la différence de la plupart des héros de bande dessinée, Spirou n’est pas sorti tout armé de l’imagination d’un seul créateur.
Spirou est d’abord un projet de journal porté par Jean Dupuis, imprimeur et éditeur de presse qui, au soir de sa vie, décide de doter la Belgique d’un hebdomadaire pour enfants, à l’exemple des nombreux titres de la presse française. À la recherche d’un dessinateur pour personnifier la mascotte de son journal, Jean Dupuis contacte le graphiste parisien Robert Velter, dit Rob-Vel, et lui passe commande d’un personnage, à partir d’un « cahier des charges » très précis.
Se souvenant de son propre passé sur les paquebots transatlantiques, Rob-Vel fait de Spirou le groom du Moustic Hôtel. Le nom Spirou, tiré du wallon, a le double sens d’ « écureuil », d’où la couleur rousse des cheveux du héros, et d’« espiègle ».
Le numéro 1 du Journal de Spirou paraît le 21 avril 1938, bientôt suivi, le 27 octobre de la même année, par l’édition flamande, titrée Robbedœs. La série titre est signée par Rob-Vel, même si des recherches récentes permettent de penser que nombre de pages ont été en fait dessinées par Davine, épouse de Rob-Vel, et surtout par le peintre belge Luc Lafnet, ami du couple. La disparition de Lafnet en 1939 puis, après juin 1940 et l’invasion allemande, les difficultés de communication entre la France et la Belgique font que Dupuis fait ponctuellement appel au dessinateur maison Joseph Gillain, dit Jijé, qui « bouche les trous » en dessinant quelques brefs épisodes. Fin 1942, Rob-Vel vend les droits de Spirou, qui reviennent aux éditions Dupuis.
En butte aux pressions de la censure de l’occupant allemand, les éditeurs de Spirou résistent aux injonctions de la propagande et font paraître la revue vaille que vaille, jusqu’au moment fatal, en septembre 1943, où le titre est interdit. Jamais à bout de ressources, l’équipe du journal se lance alors avec le marionnettiste André Moons dans une véritable tournée des théâtres belges, présentant un spectacle familial où les marionnettes à fil de la tradition voisinent avec les nouveaux héros que sont Tif, Tondu, Spirou et Fantasio. En ces temps difficiles, cette tournée reçoit un accueil triomphal. Le journal ne paraît plus mais l’esprit de « l’espiègle au grand cœur » rayonne encore.
Comme le dit éloquemment une affiche de 1944 dessinée par Jijé, qui représente un Spirou endormi : « Je dors… mais mon cœur veille… » En cette sombre période, se détache la personnalité remarquable de Jean Doisy. Rédacteur polygraphe du journal, il signe la plupart des textes de la revue, invente le personnage de Fantasio, signe la fameuse rubrique du Fureteur... tout en participant clandestinement à la résistance contre l’Occupation, sous couvert de la tournée du spectacle de marionnettes.
Avec la Libération, la revue repart de plus belle et connaît un essor formidable. Comme on le faisait beaucoup à l’époque dans les journaux pour enfants, Spirou lance le club des « Amis de Spirou » (ou AdS), qui recrute de nombreux correspondants parmi ses jeunes lecteurs et se dote d’une charte de bonne conduite assez proche de celle des Scouts.
Des rassemblements sont organisés, en présence des responsables et des dessinateurs de la revue. L’énorme succès de l’initiative conduira paradoxalement à son arrêt progressif, l’équipe du journal ne pouvant prendre en charge l’administration énorme qui en découle.
Des rassemblements sont organisés, en présence des responsables et des dessinateurs de la revue. L’énorme succès de l’initiative conduira paradoxalement à son arrêt progressif, l’équipe du journal ne pouvant prendre en charge l’administration énorme qui en découle.
Du côté de la création, une nouvelle génération de jeunes dessinateurs qui ont nom Morris, Eddy Paape, Sirius et André Franquin rejoignent le journal et commencent à y publier de nouvelles séries.
Jijé (alias Joseph Gillain), véritable homme-orchestre du journal (il dessine à lui seul les aventures de Spirou, celles de Jean Valhardi ainsi que les biographies de Christophe Colomb puis de Don Bosco…) remarque le talent du jeune Franquin et, sans autre forme de procès, lui confie, en plein milieu d’une page, les destinées du groom aux cheveux roux… Commence alors une aventure esthétique qui va révolutionner la bande dessinée européenne.
Spirou et ses auteurs, une aventure esthétique
De Rob-Vel à Yoann, quatorze dessinateurs et une dizaine de scénaristes ont à ce jour fait vivre à Spirou cinquante-trois aventures, augmentées d’une demi-douzaine de « one-shots ». Tous ont en commun le goût de mêler humour et aventure, et tous se rattachent à l’esthétique particulière dite de « l’école de Marcinelle », dont les canons esthétiques ont été définis dans les années 1940 et 50 par Jijé puis surtout Franquin.
Cette section de l’exposition revient sur le travail de chacun d’eux, en présentant pour chaque auteur une demi-douzaine d’originaux choisis pour leur exemplarité. Quand les originaux ne sont pas disponibles (les planches de Spirou par Rob-Vel, par exemple, sont introuvables depuis… 75 ans), des reproductions en fac-similés sont proposées au public.
L’apport spécifique de chaque auteur au personnage est ici mis en avant : la malice de Rob-Vel ; la fantaisie pleine d’élégance de Jijé ; la prodigieuse maîtrise technique et l’humour de Franquin ; le charme poétique de Fournier ; l’ironie rétro de Chaland ; le tropisme littéraire de Le Gall et son goût des mondes interlopes ; le goût de l’action et du fantastique de Munuera et Morvan ; l’ironie mordante de Schwartz et Yann… ; pour Bravo, le retour aux sources historiques et une imparable relecture des débuts de la série ; etc.
Un peu d’histoire
Pendant les années de l’occupation allemande, les difficultés de communication entre la France et la Belgique poussent comme on l’a vu Rob-Vel à abandonner son personnage. Il le cède à l’éditeur Dupuis, qui le confie aussitôt à Jijé, alias Joseph Gillain, véritable homme-orchestre du journal, qui dessine de front plusieurs des séries vedettes de la revue.
Il signe quelques épisodes de Spirou, le dotant de son alter ego Fantasio, journaliste aussi entreprenant que farfelu. Puis débordé de travail, il le confie, en plein milieu d’une page la série au jeune dessinateur bruxellois André Franquin, entré peu avant au Journal de Spirou en compagnie d’inconnus qui ont nom, Morris et Eddy Paape. Nous sommes en 1946, et une grande aventure esthétique commence.
D’abord marqué par le graphisme de Jijé, Franquin s’en affranchit bientôt et trouve son style, tout de dynamisme et de souplesse. Il fait en quelques années de Spirou non seulement la série-vedette du journal mais un classique de la bande dessinée mondiale. C’est lui qui introduit les personnages qui forment encore aujourd’hui la « famille » de Spirou. Fasciné par la technique, Franquin prend un immense plaisir à dessiner de beaux engins : des voitures de l’époque d’abord, puis des engins profilés qu’il invente pour le plaisir : la Turbotraction, un sous-marin au fuselage aérodynamique et tous les engins que Zorglub « invente » pour assouvir ses rêves de grandeur. Attentif au design de l’époque, il réalise (avec l’aide ponctuelle d’« assistants » aussi remarquables que Will, Jidéhem ou Roba, excusez du peu) des décors d’une moderne élégance qui enchante encore le lecteur contemporain.
Humoriste génial mais esprit inquiet, Franquin éprouve pourtant des difficultés grandissantes à faire vivre l’univers de Spirou, d’autant qu’à partir de 1959 il dessiné également les gags du plus mauvais garçon de bureau du monde, Gaston Lagaffe. Après quelques épisodes grinçants (dont le dernier Panade à Champignac, qui voit un comte de Champignac vieillissant materner un Zorglub retombé en enfance), Franquin prend congé de Spirou.
L’apport de Franquin au monde de Spirou est à tous égards fondamental, et tous les auteurs qui viendront après lui puiseront peu ou prou dans l’imaginaire qu’il a mis en place. L’innovation technologique y garde une place de choix, tout comme l’humour et l’exaltation de l’amitié, de la loyauté et du courage. Spirou reste un héros positif !
De 1968 à 1979, le dessinateur Jean-Claude Fournier, qui reprend la série à la demande des éditeurs, y injecte son goût du merveilleux et des cultures celtiques. Puis viennent Nic Broca et le scénariste Raoul Cauvin qui reviendront aux canons classiques d’une bande dessinée d’aventures tirée au cordeau.
De 1968 à 1979, le dessinateur Jean-Claude Fournier, qui reprend la série à la demande des éditeurs, y injecte son goût du merveilleux et des cultures celtiques. Puis viennent Nic Broca et le scénariste Raoul Cauvin qui reviendront aux canons classiques d’une bande dessinée d’aventures tirée au cordeau.
Ensuite, le duo Tome et Janry conjugue efficacité narrative et second degré, multipliant les clins d’œil au cinéma et aux classiques des genres policier et d’espionnage, avant d’orienter la série vers une remise en cause radicale : dans Machine qui rêve, ils interrogent même le statut héroïque de Spirou, lui inventant une double incarnation. Parallèlement, ils imaginent la jeunesse du même Spirou, qui lorgne avec malice du côté du folklore obscène de l’enfance, avec un succès jamais démenti (la série Petit Spirou paraît toujours).
Grand admirateur de Franquin (et de Jijé), le regretté Yves Chaland livre en 1982, le temps d’un court récit, Cœurs d’acier, sa propre version de Spirou, jouant sur une nostalgie teintée d’ironie, qui revisite un certain folklore postcolonial.
Dans les années 2000, Jean-David Morvan et José Luis Munuera orientent à leur tour la série vers une anticipation cataclysmique, qui voit Paris submergée par un raz-de-marée, puis transporte Spirou à Tokyo, et permettent même qu’il soit dessiné, le temps d’un court épisode, par un authentique mangaka japonais, Hiroyuki Ooshima.
Depuis le milieu des années 2000, les aventures de Spirou paraissent deux modalités. D’une part Yoann et le scénariste Fabien Vehlmann assurent la continuité de la série en la pimentant de nouvelles technologies et d’une pointe de fantastique. D’autre part, des auteurs invités donnent chacun, le temps d’un album (« Spirou vu par… », leur propre vision du héros en costume rouge : ainsi Frank Le Gall (auteur de la série Théodore Poussin) expédie-t-il les héros principaux de la série dans le Paris du XIXème siècle, en clin-d’œil à Eugène Sue et Victor Hugo.
Lewis Trondheim et Fabrice Parme livrent quant à eux une version délirante de La Croisière s’amuse dans Panique en Atlantique. Plus grave, Emile Bravo revient à la genèse de Spirou dans la Belgique de l’immédiat avant-guerre avec le Journal d’un ingénu, qui aborde avec finesse cette période historique délicate. Le Groom vert-de-gris d’Olivier Schwartz et Yann traite de la même période dans une tonalité nettement plus acide. Le même Yann, en équipe avec Fabrice Tarrin, emmène Spirou dans un univers fantastique où, le temps de quelques pages, Spirou croise Napoléon. Enfin Serge Clerc, graphique surdoué nourri de Mœbius autant que de Franquin, s’amuse à imaginer d’élégantes images ou Spirou, Fantasio et Spip visitent des galeries où sont exposés Picasso, De Chirico, fréquentes d’élégants clubs aux allures tropicales…
Décidément, Spirou s’adapte à tous les imaginaires.
Décidément, Spirou s’adapte à tous les imaginaires.
Une sacrée famille !
Dans cet espace plus particulièrement destiné aux jeunes visiteurs, une galerie permet d’abord de (re)découvrir les personnages principaux de la série, qui forment une « famille » remarquablement stable dans la durée. Chaque personnage, présenté en majesté ou en pleine action a droit à sa fiche signalétique :
Spirou le personnage est né le 21 avril 1938, dans les pages du…Journal de Spirou.
Il est la mascotte de l’hebdomadaire, tout en exerçant le métier de groom, d’où son calot et son costume rouge. Son nom, tiré du wallon (le patois parlé en Belgique francophone) signifie à la fois « écureuil » et « espiègle ». Conformément aux usages de l’époque, c’est un héros droit et loyal, qui doit servir de modèle à ses jeunes lecteurs. Mais il est également débrouillard, courageux, intrépide… dynamique, en un mot.
L’idée de Spirou vient de l’éditeur Jean Dupuis, qui passe commande au dessinateur français Robert Velter, dit Rob-Vel. Celui-ci conçoit graphiquement le personnage et son univers. En 1943, les problèmes de communication dus à l’Occupation allemande contraignent Rob-Vel à vendre les droits du personnage à son éditeur.
Depuis Spirou est passé entre les mains d’une bonne vingtaine de dessinateurs et scénaristes, sans rien perdre de sa droiture morale, de son courage et de son humour. Il a abandonné puis retrouvé son costume de groom, défait des dizaines d’adversaires, voyagé sous toutes les latitudes, jusque sur la Lune et même dans le temps, et charmé trois générations de lecteurs. Trois-quarts de siècle après sa naissance, il reste aujourd’hui encore un bondissant jeune homme, toujours prêt pour l’aventure.
Fantasio est d’abord le pseudonyme que prend en 1942 le rédacteur du Journal de Spirou Jean Doisy pour signer une des rubriques de l’hebdomadaire. Quand le titre est interdit par la censure allemande, il devient une figurine sculptée par le marionnettiste André Moons, pour des représentations théâtrales. Il devient le compagnon de Spirou en 1944 sous le pinceau du dessinateur Jijé, qui en fait le blond dégingandé aux huit mèches rebelles que l’on connaît encore aujourd’hui.
Journaliste opiniâtre, inventeur à ses heures (les lunettes à essuie-glace et le fameux Fantacoptère sont de lui), Fantasio est toujours à l’affût des nouvelles sensationnelles, mais se fait souvent « doubler » par sa collègue et concurrente Seccotine. La fréquentation de Gaston Lagaffe, dont il est à partir de 1957 le chef au sein de la rédaction de Spirou, le rend sérieux et irascible. Il prend congé en 1969 et se trouve remplacé au côté de Gaston par le journaliste Prunelle.
Farfelu et gaffeur (dans Le Journal d’un ingénu (2007), une de ses maladresses est indirectement responsable du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale), parfois amoureux (de la belle Ororéa dans Le Gri-gri du Niokolo-Koba (1974)), Fantasio suit Spirou dans toutes ses aventures et se trouve souvent blessé et en mauvaise posture.
Il est le cousin du peu recommandable Zantafio.
Écureuil d’Eurasie de la famille des Sciuridés, Spip est le plus petit personnage de la série Spirou, mais pas le moins remarquable. Il apparaît en 1939 dans la première longue histoire dessinée par Rob-Vel. Spirou lui sauve la vie et les deux personnages sont dès lors inséparables.
Les dessinateurs successifs de la série en font un comparse pantouflard et râleur qui pense comme un humain et parle au lecteur. Doté d’un gros faible pour les noisettes, il montre un talent certain pour les jeux de mots et les réparties cinglantes. Mais il sait également se montrer ingénieux et courageux, surtout quand Spirou et Fantasio sont en danger.
À noter que son nom est un diminutif de Spirou, qui, comme chacun sait, veut dire… « écureuil ».
Pacôme, Hégésippe, Adélard, Ladislas, comte de Champignac fait son apparition en 1951 dans la deuxième aventure de Spirou dessinée par Franquin, intitulée Il y a un sorcier à Champignac. Le sorcier de l’histoire, c’est lui ! Savant distrait aux compétences multiples, il devient rapidement l’ami fidèle de Spirou et Fantasio, qu’il aide grâce à ses innombrables inventions, tirées d’une connaissance encyclopédique des champignons.
Ses cheveux blancs et ses manières un brin désuètes trahissent son âge, mais Pacôme est un homme énergique (son expression favorite est « Sabre de bois ! ») et plein d’humour, allergique à la bêtise et à la tyrannie. Il entretient des relations ambigües avec son ancien condisciple Zorglub, qui est un peu son alter ego négatif.
Journaliste, la jeune Seccotine est une redoutable professionnelle qui s’y entend pour décrocher les scoops, le plus souvent aux dépends de son collègue moins chanceux Fantasio. Piquante et pleine de charme mais déterminée, elle n’hésite pas utiliser la ruse pour arriver à ses fins. Elle apparaît pour la première fois dans La Corne du rhinocéros (1953) et connaît sa plus grande gloire professionnelle avec Le Nid du Marsupilami (1956), récit de son reportage exclusif en Palombie sur les traces du marsupilami sauvage. Au fil des albums, sa rivalité avec Spirou et Fantasio se transforme en complicité. On apprend dans Machine qui rêve (1998) que son vrai prénom est Sophie, et que Spirou ne lui est pas indifférent…
Imaginez Fantasio avec des cheveux bruns fournis et une moustache, et vous obtenez le portrait de Zantafio.
Fantasio et Zantafio sont cousins (leur oncle commun s’appelle Tanzafio) et éternellement ennemis : là où Fantasio est honnête et loyal, Zantafio est violent, envieux, malhonnête, en un mot ravagé par les mauvais instincts. Il fait sa première apparition dans la série en 1952 et n’a de cesse depuis de tenter de devenir riche et puissant, et de se débarrasser définitivement de Spirou et Fantasio qui contrecarrent systématiquement ses rêves de grandeur. Au fil des albums, il a successivement été dictateur de la Palombie (pays imaginaire de l’Amérique du sud d’où est originaire le Marsupilami), bras-droit de Zorglub, patron d’une organisation criminelle internationale, associé à la mafia russe… sans jamais s’amender et revenir dans le droit chemin.
Bref, Zantafio est un vrai méchant, que l’on adore détester.
On le connaît sous le nom unique de Zorglub, et c’est le plus mémorable adversaire qu’ont eu à affronter Spirou et Fantasio depuis sa première apparition dans Z comme Zorglub (1959). Ancien condisciple du Comte de Champignac (qui l’apprécie), c’est un authentique savant qui met ses capacités intellectuelles au service d’un ego surdimensionné. La plupart de ses inventions portent des noms dérivés de son patronyme (zorglumobile, zorgléoptère, sans parler de l’armée de zorglhommes qu’il a constituée en usant de la zorglonde, rayon électrique décervelant), et il poursuit le projet mégalomane de démontrer qu’il est le plus grand savant. Mais ce n’est pas un méchant tout d’une pièce. Maladroit et gaffeur, il ne maîtrise pas les effets des inventions qu’il met au point et le doute et le remords l’assaillent périodiquement. Il a un temps été l’ami et l’allié de Spirou, Fantasio et Champignac, mais semble depuis quelques temps repris par ses mauvais penchants…
Grand d’à peu près un mètre, doté d’un pelage jaune à taches noires et d’un appendice caudal de huit mètres, le Marsupilami vit dans les forêts tropicales de la Palombie, au cœur de l’Amérique du sud. C’est un marsupial omnivore (il aime beaucoup les fourmis carnivores et les piranhas) qui pond des œufs mais est néanmoins doté d’un nombril. Il vit en couple et construit un nid particulièrement sophistiqué pour élever ses petits. Sa queue très longue lui permet de se déplacer dans les airs, il est par ailleurs amphibie, capable de survivre sous terre et son agilité est stupéfiante. C’est donc une merveille de la nature. Enjoué de caractère, on le sait loyal et foncièrement amical, mais cependant capable de formidables colères (celle montrée dans Le Nid du Marsupilami est spectaculaire).
Quand, en 1968, Franquin abandonne Spirou, il conserve pour lui le Marsupilami et dessine quelques gags qui le mettent en scène. Depuis 1987, il vit des aventures palombiennes dessinées par Batem et est même devenu une vedette de cinéma.
Le Petit Spirou, c’est le grand Spirou quand il était petit.
Il est né en 1983, dans les pages de Spirou (le magazine), dans une version parodique des célèbres Histoires de l’oncle Paul intitulée La seule et unique histoire plus ou moins vraie de la jeunesse de Spirou racontée par l’oncle Paul.
Alors en charge des aventures de Spirou, le dessinateur Janry et son scénariste Tome s’amusent à imaginer la jeunesse espiègle du héros emblématique du journal. Le résultat leur plaît et amuse les lecteurs. Ils décident donc de développer une série parallèle aux aventures du « vrai » Spirou, entièrement consacrée à ses frasques de jeunesse. Partagés entre la vie de famille, l’école et les loisirs, le petit Spirou et ses copains (Antoine Vertignasse, dit Vert’, Suzette, Cassius, etc.) font preuve d’une curiosité jamais prise en défaut quand il s’agit d’explorer les mystères de la vie et de l’amour, d’une imagination débordante en matière de bêtises et d’une passion toute relative pour l’école et ses obligations (sauf quand il s’agit de suivre les cours de la jolie prof de maths).
Les frasques du petit Spirou et ses amis ont à ce jour empli les pages de seize volumes cartonnés et c’est pas fini. Depuis l’année dernière, 78 épisodes d’une adaptation en dessins animés ont également été produits pour la télévision.
Des dessins animés et une table tactile géante
Entourés par cette famille prestigieuse autant qu’agitée, et plus particulièrement placés sous le patronage effronté du Petit Spirou, les plus jeunes parmi les visiteurs pourront profiter d’une bibliothèque spécialement mise à leur disposition, jouer à des jeux spécialement créés pour l’exposition et visionner quelques épisodes de l’adaptation en dessin animé des aventures du Petit Spirou par Alexis Lavillat, réalisée dans les studios Normaal, à Angoulême.
Les plus grands, penchés sur une table électronique spécialement programmée pour l’occasion, pourront feuilleter plusieurs dizaines de numéros virtuels mais néanmoins historiques qui retracent le parcours du Journal de Spirou de 1938 à 2012. Un bon moyen de retrouver les grands héros de la revue (Jean Valhardi, Tif et Tondu, Jerry Spring, Lucky Luke, Johan et Pirlouit, L’Oncle Paul, Mais aussi Natacha, Le Docteur Poche, Jérôme K. Jérôme Bloche, Tamara…), les rubriques phares (Le Fureteur, Starter…) et de suivre l’évolution et les changements de formules d’un magazine qui a su rester jeune et dynamique, décennie après décennie. Une plongée dans l’histoire et, pour beaucoup, un beau moment de nostalgie. Cette table numérique innovante, hypersensible et rapide a été crée
par Dreamtronic, une société implantée à Angoulême.
par Dreamtronic, une société implantée à Angoulême.
Une rédaction en ébullition
La dernière partie de l’exposition rend hommage à et à toutes les séries qui, au fil des décennies, ont fait rêver en évoquant – avec humour – l’étrange entreprise qui consiste à faire rire, semaine après semaine, les honnêtes lecteurs.
Des cases d’une planche géante de Gaston posée à même le sol et jonchée d’objets hétéroclites s’échappent des personnages qui passent sur les murs et se faufile dans l’embrasure des portes.
Mais attention, ce capharnaüm savamment orchestré abrite également des jouets, figurines, statuettes, sérigraphies, plaques émaillées par dizaines… qui s’efforcent, pour le plus grande joie des collectionneurs et aficionados de la série, de faire revivre en trois dimensions, les personnages phares et les moments marquants d’une saga vieille de trois-quarts de siècle.
Les créations des maisons Leblon-Delienne et Pixi sont ici mises en valeur, grâce au partenariat développé avec ces deux prestigieux labels bien connus des amateurs.
Sur les murs, on reconnaîtra les silhouettes projetées de Gaston, son chat, sa mouette et ses boîtes de pilchards. On sait que Franquin a créé Gaston comme un gag, censé démontrer la supériorité de Spirou sur ses concurrents, puisqu’il disposait avec lui d’un héros surnuméraire, dont personne (et surtout Fantasio) ne savait quoi faire. Ce héros-sans-emploi, devenu employé à tout faire de la rédaction (fictive) de Spirou a créé une mythologie dont, à la suite de Franquin, plusieurs auteurs se sont inspirés pour à leur tour montrer les à-côtés du métier de rédacteur en chef ou de dessinateur.
Dans cet espace, on croise donc, outre Gaston, le trio terrible du Gang Mazda, imaginé par Christian Darasse à partir d’une expérience réelle d’atelier partagé avec les dessinateurs Yslaire et Michetz ; L’Elan, cervidé dépressif imaginé par Frank et censé, dans un contre-emploi hilarant, représenter le dynamisme d’une formule éditoriale rénovée ; The Boss, rédac’chef hyperactif sorti de l’imagination de Zidrou et Bercovici (repris d’un personnage secondaire du Gang Mazda, lui-même inspiré de la personnalité décoiffante d’un véritable rédacteur en chef du journal) ; et pour la série la plus récente, les membres déjantés de l’atelier Mastodonte qui, autour de Lewis Trondheim, donnent un aperçu de ce qu’est la vie d’un dessinateur du XXIème siècle (franchement, c’est pas triste)…
Un film documentaire
Dans un espace spécialement aménagé, les mordus pourront prendre le temps de visionner le film documentaire coproduit par la RTBF, Arte et les éditions Dupuis et réalisé par Pascal Fornari, intitulé Spirou, une aventure humoristique. Pendant 52 minutes, auteurs, historiens, spécialistes, rédacteurs en chef et fans prestigieux se penchent ici sur l’histoire du journal et les spécificités de l’indémodable Spirou.
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