Albert Uderzo (à gauche), avec Anne, la fille de René Goscinny (au centre) et sa fille Sylvie (à droite), à Bruxelles le 22 septembre 2005 © Belga |
Dans l'interminable feuilleton judiciaire qui l'oppose à son père, Sylvie Uderzo a annoncé qu'elle portait plainte pour faux témoignage contre l'expert-comptable du dessinateur d'Astérix. LeVif.be a pu lire ce témoignage explosif.
Nous sommes en octobre 2013. Toute la France est occupée à célébrer la sortie d'Astérix chez les Pictes. Toute? Non. Un couple d'irréductibles Français résiste encore et toujours. Ils s'appellent Sylvie Uderzo et Bernard de Choisy. La première est la fille d'Albert Uderzo, créateur du petit Gaulois avec René Goscinny, le second est son époux. En plein lancement d'Astérix chez les Pictes, Sylvie Uderzo a décidé de déposer une nouvelle plainte dans l'interminable marathon judiciaire qui l'oppose à son père depuis quatre ans, comme l'ont signalé les sites Actualitté et RTL.
Cette fois-ci, elle accuse l'expert-comptable d'Albert Uderzo d'avoir livré un "faux témoignage" aux enquêteurs de la Brigade de Répression de la Délinquance économique (BRDE). Ce "faux témoignage" aurait, selon elle, largement pesé dans la décision de la justice de classer sans suite sa précédente plainte pour "abus de faiblesse", comme nous l'avions révélé en décembre 2012.
LeVif.be a pu lire l'intégralité de la déposition du fameux expert-comptable, désormais au coeur des dissensions au sein de la famille Uderzo. Un témoignage explosif, qui révèle les dessous financiers de l'empire Astérix, où l'on jongle à coups de millions d'euros comme Obélix avec les menhirs. Un témoignage, qui, au passage, n'épargne guère Sylvie Uderzo et son époux…
Tractations avec Hachette
Armand T., le fameux expert-comptable, est entendu le 29 mars 2012 par les policiers de la BRDE. Son audition va durer huit heures. Il raconte comment il a commencé à travailler pour Albert Uderzo en 1990 ou 1991, s'occupant des comptes, des déclarations d'impôts et des placements du couple. Travail prenant, puisque le dessinateur d'Astérix s'est constitué, par la seule virtuosité de son coup de pinceau, un patrimoine de près de 30 millions d'euros, comprenant un hôtel particulier à Neuilly, des propriétés en Bretagne, quelques Ferrari... "Albert m'a toujours fait entièrement confiance et tout ce que j'ai fait pour lui a toujours abouti à des victoires", déclare d'entrée Armand T.
L'expert-comptable a surtout joué un rôle important dans la vente d'Astérix à Hachette, en 2008. Mandaté par une "lettre de mission spécifique", il a négocié pied à pied avec le géant de l'édition, obtenant finalement 12,7 millions d'euros pour Albert Uderzo, auxquels venaient encore s'ajouter 10 millions de "droits d'auteur exceptionnels". C'est lors de cette transaction que le dessinateur a accepté que la série Astérix soit reprise par d'autres créateurs après sa mort. Un véritable tournant créatif et industriel.
Armand T., le fameux expert-comptable, est entendu le 29 mars 2012 par les policiers de la BRDE. Son audition va durer huit heures. Il raconte comment il a commencé à travailler pour Albert Uderzo en 1990 ou 1991, s'occupant des comptes, des déclarations d'impôts et des placements du couple. Travail prenant, puisque le dessinateur d'Astérix s'est constitué, par la seule virtuosité de son coup de pinceau, un patrimoine de près de 30 millions d'euros, comprenant un hôtel particulier à Neuilly, des propriétés en Bretagne, quelques Ferrari... "Albert m'a toujours fait entièrement confiance et tout ce que j'ai fait pour lui a toujours abouti à des victoires", déclare d'entrée Armand T.
L'expert-comptable a surtout joué un rôle important dans la vente d'Astérix à Hachette, en 2008. Mandaté par une "lettre de mission spécifique", il a négocié pied à pied avec le géant de l'édition, obtenant finalement 12,7 millions d'euros pour Albert Uderzo, auxquels venaient encore s'ajouter 10 millions de "droits d'auteur exceptionnels". C'est lors de cette transaction que le dessinateur a accepté que la série Astérix soit reprise par d'autres créateurs après sa mort. Un véritable tournant créatif et industriel.
Écarter Sylvie Uderzo et son époux
Justement, Armand T. a une révélation à faire aux enquêteurs à propos de cette transaction: si Albert Uderzo (en accord avec Anne Goscinny, fille de René Goscinny, mort en 1977), a décidé de vendre le petit Gaulois à Hachette, c'est avant tout pour éviter qu'Astérix ne tombe entre les mains de sa fille et de son gendre. "C'est l'avocat Yves Sicard et moi qui lui avons conseillé de vendre. On voyait que son gendre prenait de plus en plus de place et à mauvais escient, que sa fille ne travaillait pas vraiment, explique-t-il. Sa fille et son gendre avaient convoqué Albert Uderzo pour lui dire qu'il était trop vieux."
Jusqu'en 2007, en effet, Sylvie Uderzo était salariée des Éditions Albert-René, éditrices des aventures d'Astérix, avec le titre de directrice générale. Et son époux, Bernard de Choisy, facturait généreusement ses prestations de publicitaire à la maison d'édition. "De 2001 à 2006, le couple a retiré de ses activités professionnelles aux Éditions Albert-René un revenu global de 2,185 millions d'euros", soit environ 300 000 euros par an, précisent les enquêteurs. Selon le témoignage de nombreux salariés, le couple avait un peu tendance à se comporter comme les patrons de l'empire Astérix. Au point d'agacer Albert Uderzo lui-même. Les méthodes de son gendre, notamment, ne font pas l'unanimité. Armand T. révèle même qu'Anne Goscinny, inquiète, avait demandé, dès 1997, à un "expert indépendant d'enquêter sur l'intérêt des missions" qui lui sont confiées...
L'expert-comptable raconte également nombre d'accrochages qu'il a eus avec Bernard de Choisy. À propos d'une caution bancaire de 1,5 million de francs accordée par Albert Uderzo à son gendre. Ou d'un montage financier, autour d'une SCI Berlioz, que l'expert-comptable aurait fait modifier pour qu'il ne lèse pas les intérêts de Sylvie Uderzo.
Albert Uderzo licencie sa fille
Armand T. va même plus loin: selon lui, l'une des conditions sine qua non posée par Hachette au rachat des Éditions Albert-René aurait été que Sylvie Uderzo et Bernard de Choisy en soient écartés. "Hachette disposait de ses propres structures de communication et n'avait pas besoin de Bernard de Choisy et ses sociétés inutiles et coûteuses, raconte-t-il. De même pour Sylvie, Hachette avait constaté qu'elle ne travaillait pas de manière effective aux Éditions Albert-René. Ils nous ont donc dit de remédier à la situation avant la cession. Son père lui a dit qu'elle devait se mettre au boulot, mais elle n'a rien changé à ses habitudes. Albert a donc été contraint de la licencier." Sylvie Uderzo, à qui son père avait généreusement octroyé 40% des "actions" d'Astérix, percevra néanmoins la coquette somme de 13 millions d'euros lors de la revente à Hachette...
Avec le témoignage d'Armand T., on le voit, nous sommes donc au coeur de l' "affaire Uderzo". Ses révélations démontrent combien la vente à Hachette et les dissensions familiales -la dernière fois que le père et la fille se sont parlés, c'était le 3 décembre 2012, dans le bureau d'un juge d'instruction- sont liées. En voulant faire "tomber" ce témoignage, Sylvie Uderzo espère sans doute fragiliser une enquête judiciaire qui lui a donné tort. Et -comment le nier?- tenter de parasiter le lancement réussi d'Astérix chez les Pictes, premier volume de la série signé par les successeurs de son père sous la houlette d'Hachette.
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