mardi 21 janvier 2014

Hollande face à des journalistes déférents

Gilles Klein dans Arrêt sur images.

« Je voudrais vous parler d'économie... »

Des journalistes obséquieux et déférents : la presse britannique se moque avec une acidité cruelle de l'attitude des journalistes français face à François Hollande mardi 14 janvier lors de la conférence de presse à l'Elysée. Aucun leader n'aurait pu s'en sortir aussi facilement dans n'importe quel autre pays démocratique, estime l'Independent.


The Times

« Hollande reconnaît des moments difficilles mais bloque toute question sur sa liaison secrète » titre, page 26, le Times (conservateur groupe Murdoch) qui annonce en bas de Une « Hollande garde le silence ».



The Guardian

« Une affaire bien française : Hollande a beaucoup à dire, sauf sur un sujet précis » titre la Une du Guardian.

« Après plus de 40 minutes de monologue de Hollande, est venue la première question » (posée par Alain Barluet, journaliste du Figaro président de l'association de la presse présidentielle) souligne la journaliste du Guardian présente à Paris hier.

« Les journalistes français ont retenu leur souffle, fait la grimace et se sont baissés derrière leurs ordinateurs portables. Barluet allait-il presser le doigt sur la gâchette ? »

Après la question « Valérie Trierweiler est-elle encore la première dame de France ? » la journaliste indique que Hollande a respiré profondément « 600 paires d'yeux étaient fixées sur sa pomme d'Adam qui bougeait » puis s'est retranché derrière sa vie privée.

Mais « l'homme que l'on a appelé cruellement Flanby, l'homme que l'opposition présente comme hésitant, a montré qu'il pouvait avoir de la conviction quand il le fallait ».




« Ils font les choses différemment en France – et plus que jamais lors de la conférence de presse de Hollande sous les dorures de la salle des fêtes du Palais de l'Elysée » écrit l'encadré "media" titré « Vive la différence ? » du Guardian.

« Quand on lui demande de manière excessivement détournée si Trierweler est encore la première dame, Hollande insiste : sa vie privée doit le rester »

« Il y a eu une ou deux autres tentatives douces » note le commentaire, mais « elles ont toutes reçu le même traitement : ce n'est pas votre affaire ».

« Cela se serait-il passé comme cela en Grande Bretagne ou aux USA ? » se demande l'auteur citant Jonathan Oliver, journaliste du Mail on Sunday qui avait demandé au Premier ministre Tony Blair, après le suicide de David Kelly (inspecteur de l'ONU en Irak qui avait transmis des informations à la BBC sur la falsification de son rapport sur les soi-disantes armes de destruction massive irakiennes faites par le gouvernement de Blair) : « Avez-vous du sang sur les mains, monsieur le Premier ministre ? »

Le commentateur répond que cela ne serait sans doute pas passé comme cela, « Mais c'est la France ».

« Ce n'est pas que les journalistes français ne fassent pas leur métier » mais « il y a une déférence impossible à nier face au président qui personnalise la République ».

« Les questions des journalistes sont rarement autre chose que d'amicales invitations lancées au président pour qu'il puisse parler de ce qu'il souhaite » ajoute le Guardian, en rappellant que lorsque Poivre d'Arvor avait fait allusion à l'un des nombreux scandales financiers sous Jacques Chirac alors président « Le Président l'avait accusé en direct de grossière impertinence ».

Étrangement, Le Monde en s'appuyant sur une dépêche AFP écrit, au contraire, que le Guardian « fait l'éloge de la presse française ». D'autant plus étonnant que le troisième article de la page du Guardian présente la France « comme le nouveau malade de l'Europe » qui n'a pas le courage de faire des réformes à l'allemande.


Daily Mail

« La maitresse de Hollande est-elle enceinte ? » demande, lui, sans ambages, le très conservateur Daily Mail en citant le tweet d'un internaute français. Le quotidien populaire britannique (environ 2 millions d'exemplaires) écrit que Hollande a perdu son sang-froid lorsqu'on lui a reposé la question à propos de la Première dame « C'est une violation d'une liberté fondamentale et cela peut vous concerner tous ». « Les journalistes français n'ont pas osé lui demander pourquoi il avait choisi un appartement lié à la mafia corse » ajoute le Daily Mail qui cite Le Parisien, selon lequel Hollande n'ose pas annoncer la rupture avec Trierweiler, tant que celle-ci est à l'hôpital.


« Tu n'est jamais resté debout si tard
pour suivre la politique »


« La plus improbable des fines lames depuis l'inspecteur Clouzot s'est dressée sous les chandeliers du palais de l'Elysée (...) le Président Hollande est venu parler de son pacte de responsabilité. Étrangement personne n'a ri. »


Daily Telegraph

« Avec le plus grand respect, il y avait un éléphant dans la salle »

« En Grande-Bretagne, une conférence de presse, c'est quelques mots de bienvenue par l'homme politique et ensuite des questions. Pas en France », s'étonne le Daily Telegraph.

Pendant plus d'une demi-heure, « Hollande déroule ses plans en matière d'économie, les journalistes français restent poliment silencieux ». Puis première question « le journaliste dit que c'est un honneur pour lui de poser une question. Il le remercie pour son discours (...) Je me demande si cet homme est le valet du Président. »



Question sur Trierweiler, le président regarde le journaliste « avec un léger mépris, comme s'il n'arrivait pas à croire qu'un sujet aussi insignifiant ait été abordé. »

La question suivante porte sur les prestations familiales. « Quand leur chef d'État est pris dans le plus gros scandale qui ait frappé un politique depuis l'affaire Clinton/Lewinsky, les journalistes s'intéressent seulement à la Sécurité Sociale » écrit le Telegraph avant de conclure : « Les Français sont-ils fous ? Ou bien est-ce nous qui le sommes ? »



The Independent

« L'inquisition française : comment un Président en plein scandale a survécu à deux heures de questions... sur l'économie » se moque le titre du bandeau supérieur de l'Independent.

Hollande « a pu s'en sortir face à 600 journalistes entassés dans la salle des Fêtes du Palais de l'Elysée. Il est difficille d'imaginer que le leader de n'importe quel autre pays démocratique puisse le faire aussi facilement ».





L'Independent note, par ailleurs, que pour réformer l'économie, « Mr Hollande a besoin de respect et d'autorité. Les deux ont été diminués par l'image d'un président quittant en se cachant l'appartement de sa petite amie avec un casque de moto sur la tête. »

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