mercredi 9 janvier 2019

Riss témoigne quatre ans après l'attentat à «Charlie Hebdo»

Sur le site du Figaro.


«On a presque fini par oublier ce qu'a signifié ce qui nous est arrivé. Une partie des Français trouvent que Charlie exagère», s'alarme le rédacteur en chef de l'hebdomadaire qui publie cette semaine un numéro spécial.

Quatre ans après les attentats qui ont fait douze morts dans la rédaction, le numéro spécial de Charlie Hebdo, baptisé «Le retour des anti-lumières» est sombre.

À la une, et sur fond noir, un évêque et un imam soufflent sur la flamme d'une bougie, dont la lumière éclaire le dessin qui avait fait la une du numéro du 14 janvier 2015, «Tout est pardonné»


Dans son édito, le rédacteur en chef, Riss, interroge: «Êtes-vous encore là?»

Aujourd'hui, «le moment est venu pour les lecteurs de se battre pour les valeurs de liberté», explique-t-il au Figaro.

Le Figaro. - Vous faites votre édito sur les Lumières. Ce n'est pas un peu dépassé, comme notion?

Riss. - C'est un hommage à ce qui nous a permis d'exister. Les Lumières ont engendré la démocratie. Et la presse est née de là. Sans liberté d'expression, il n'y a pas de Charlie Hebdo. C'est donc à nous de faire vivre les lumières. À nous, mais à nous tous. Un journal satirique, c'est comme le canari des mineurs. Lorsqu'on ne l'entend plus chanter, c'est que le danger est très proche.

Quatre ans après les attentats, où en est cette liberté qui vous est si chère? 

L'ambiance est paradoxale. La menace terroriste semble s'être éloignée, ne serait-ce que parce que l'État islamique a perdu du terrain. Mais c'est une illusion. L'idéologie intégriste gagne du terrain. Les religions reviennent en force et brouillent les cartes. L'intégrisme est aussi le fait d'intellectuels, qui scient la branche sur laquelle ils sont assis. 

Sans la liberté d'expression, comment pourront-ils faire passer leurs idées, même mortifères? Quatre ans après le drame du 7 janvier, on a presque fini par oublier ce qu'a signifié ce qui nous est arrivé. Une partie des Français trouvent que Charlie «exagère», et nous disent: «faudrait peut-être passer à autre chose». Ils ne voient pas que l'époque est fragile pour la démocratie.

Dans ce numéro spécial, le rire est grinçant. Et votre édito est véhément. Que cherchez-vous à dire?

Nous ne sommes pas qu'une bande de joyeux potaches. Lorsque l'on est à Charlie, on ne peut plus être dans la demi-mesure. Il faut être combatif, engagé, essayer de galvaniser le lecteur. C'est aussi à lui de se battre pour les valeurs de liberté. Alors, nous lui posons la question: quelle société veut-il?

Comment se porte le titre?

L'hebdomadaire se vend encore plutôt bien, avec 30.000 ventes en kiosques et 30.000 abonnements. Mais il est clair que nous devrons réfléchir à son avenir, notamment électronique.

À terme, il faudra peut-être réfléchir à faire entrer d'autres personnes, dans la rédaction ou dans le capital. Ce n'est pas évident: être à Charlie Hebdo est forcément un engagement.

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