mercredi 16 juin 2021

Côté de nouveau dans « Courrier international »



Après des couvertures de Courrier international portant sur le Coronavirus, le caricaturiste du Soleil, André-Philippe Côtéillustre cette fois les déboires de la gauche en Europe.


Chaque semaine, Courrier international explique ses choix éditoriaux et les débats qu’ils suscitent parfois au sein de la rédaction. 
Dans ce numéro, nous sommes partis d’un constat : de la Grèce à l’Italie en passant par la France et l’Allemagne, les partis de centre gauche s’effondrent. 
À quelques jours des régionales et à un an de la présidentielle, en France, nous avons voulu prendre le pouls des gauches européennes. Comment peuvent-elles renouer avec leur électorat ? En jouant la carte écolo ? En prenant conscience de la distance qui sépare certains militants du peuple ? En s’inspirant de Joe Biden ? 
Les réponses de la presse européenne.


 AJOUT


Embourgeoisé, hors-sol, voire franchement narcissique… Le militant de gauche s’est détaché des classes populaires. Au point de devenir une caricature de lui-même, estime l’essayiste Víctor Lenore pour la revue hispano-mexicaine à tendance conservatrice Letras Libres.

Fin décembre 2011. Comme le veut la tradition, le magazine américain Time désigne sa personnalité de l’année. Et il consacre cette fois une figure générique : le manifestant, omniprésent dans les JT, qu’il soit sur la place Taksim, au Caire, à Zuccotti Park, à New York, avec le mouvement Occupy Wall Street, à la Puerta del Sol à Madrid, et j’en passe. “En 2011, les manifestants n’ont pas seulement scandé leurs griefs : ils ont changé le monde.”

Dix ans plus tard, le monde a-t-il tant changé que ça ? La manifestation comme outil de lutte est toujours utilisée, que ce soit par le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis ou contre la loi de sécurité globale en France. Mais force est de constater que la figure du militant a vu sa cote dégringoler, jusque dans les rangs de la gauche.

À quoi voit-on cette disgrâce ? L’humour nous donne un premier indice, symbolique mais révélateur. Rappelons-nous “The Bubble”, ce sketch diffusé en novembre 2016 dans l’émission Saturday Night Live et devenu culte. Deux jeunes progressistes y font la réclame pour un safe space, un refuge pour les personnes de gauche traumatisées par la victoire de Donald Trump à la présidentielle : un quartier créé sur-mesure pour une jeunesse branchée et progressiste, avec épiceries bio, blocage des sites Internet de droite et billets à l’effigie de Bernie Sanders.

La chute du sketch ? Cette bulle existe déjà, et c’est Brooklyn, quartier cool de New York et mis sous cloche. Plus près de nous, au Royaume-Uni, l’humoriste Andrew Doyle alimente depuis cette année un compte parodique dans le même esprit : Titania McGrath, jeune militante ultraprivilégiée, y dispense ses leçons de morale du haut de sa chaire Twitter.
“Être woke, c’est bien plus facile qu’on ne le pense”.

En 2020, l’un des mots de l’année aura été “woke”, qui qualifie une jeunesse soucieuse de justice sociale et faisant étalage, avec supériorité, de sa rigueur morale et de ses opinions politiques.

“Être woke, c’est bien plus facile qu’on ne le pense, explique ainsi Titania McGrath dans son livre Woke. A Guide to Social Justice. Tout le monde peut être militant. En ajoutant un drapeau arc-en-ciel à ton profil Facebook ou en dénonçant une personne d’un certain âge qui ne comprend pas le sens de ‘non binaire’, tu œuvres déjà à rendre le monde meilleur. Avec les réseaux sociaux, il est tellement facile aujourd’hui de faire assaut de vertu sans rien faire du tout !” Qui n’a pas dans son entourage des spécimens de ce genre ?

Sur le terrain de l’essai politique, la tendance est décrite sans concession par le géographe français Christophe Guilluy, auteur du très controversé No Society. La fin de la classe moyenne occidentale (Flammarion, 2018). “La nouvelle bourgeoisie brandit l’arme de l’antifascisme pour discréditer toutes les revendications sociales, dénonçait-il en 2019 dans un entretien qu’il nous avait accordé. 
[...]
Víctor Lenore
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