Nicolas Champeaux sur le site de Radio France International.
C’est un dessin réalisé le 2 avril 2013. Il remonte à la précédente hospitalisation de Nelson Mandela. La carte de l’Afrique du Sud est un personnage inquiet, qui tient la main d’un Mandela alité. Sur la table de chevet, une bougie, presque entièrement consumée. Mandela dit à l’Afrique du Sud : « Je sais que c’est difficile, mais il va falloir commencer à lâcher. » Le rédacteur en chef du Times, qui assurait la vacation ce soir-là, a publié le dessin, mais sans la phrase : il lui reprochait de mettre des mots dans la bouche de l’icône vieillissante.
« Mais je fais toujours parler mes personnages ! », a protesté Zapiro, né en 1958 dans la ville du Cap. Selon le caricaturiste, les gens doivent accepter que Mandela est mortel. « Il est inutile de s’accrocher à quelqu’un qui n’est plus du tout la personne qu’il ou elle a été, surtout quand il s’agit de quelqu’un d’une telle stature », lance Zapiro, qui a été détenu par la police du régime d'apartheid en 1988.
« Fracture raciale sur le sujet de la mort »
Lors de sa rencontre avec Mandela en 2008, il dit avoir été surpris, car l’ancien président avait, selon lui, perdu de sa lucidité. « C’était il y a cinq ans, et déjà il y avait des bons jours et des mauvais jours au cours desquels il n’avait plus de mémoire, et plus du tout d’humour », précise Zapiro, au cours d’un entretien accordé à RFI.
Pour autant, ses dessins ne sont pas rejetés par tous les lecteurs, loin de là. « Il y a beaucoup de gens en Afrique du Sud, qu’ils soient Blancs ou Noirs, qui souhaitent que l’on puisse débattre de tout, sans tabou, mais il y a malgré tout une fracture raciale sur le sujet de la mort. Parmi la communauté noire, certains sont choqués que l’on aborde le sujet. » Le petit-fils de Nelson Mandela, Mandla, qui est le chef de la famille Mandela, a déclaré cette semaine que parler de la mort d’une personne encore en vie allait à rebours des coutumes africaines.
« Quand Mandela partira, ses valeurs s'envoleront avec lui »
Sur un autre dessin daté du 11 juin, et publié par l’hebdomadaire sud-africain Mail and Guardian, le visage de Mandela épouse la carte de l’Afrique du Sud, avec la mer, et en bas à droite, ses battements de cœur.
Les gens ont compris que Mandela et l’Afrique du Sud se noyaient. « Ce n’est pas ce que je voulais dire, même si Mandela, avec Oliver Tambo, Walter Sisulu et d’autres, fait partie des architectes de la démocratie sud-africaine, et ils sont tous morts. Quand Mandela partira à son tour, ses valeurs, que le parti ANC est en train de perdre, s‘envoleront avec lui », tacle le caricaturiste, à qui le président Jacob Zuma a intenté un procès en diffamation pour des dessins publiés en 2006 et 2008.
« Père de la nation »
Ces derniers dessins sont plus consensuels, et tiennent compte des communiqués présidentiels et des déclarations de la famille, qui indiquent que Mandela réagit bien aux traitements administrés à l’hôpital.
Dans un dessin publié par le Sunday Times le 17 juin, le jour de la fête des pères, Mandela est redressé sur son lit, et porte des lunettes de vue. Il lit une carte. Sur l’enveloppe, on lit : « Father of the Nation », « Père de la nation ».
Des journaux ont demandé il y a douze ans déjà à Zapiro de préparer un dessin pour le jour où Mandela quittera ce beau monde. « Je n’ai jamais réussi à le faire », avoue le dessinateur.
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