Xavier "Bonil" Bonilla pose à côté d'une statue du comédien équatorien Ernesto Albán Mosquera jouant "Don Evaristo", personnage comique maître de la dérision, le 3 février à Quito. |
Les relations entre le président équatorien et le caricaturiste Xavier Bonilla (« Bonil ») sont complexes. Rafael Correa a ainsi traité le dessinateur de « menteur, haineux, lâche », samedi 1er février, en direct à la radio. En retour, deux jours plus tard, Bonil a déclaré son « humour infini » pour le président.
C'est une caricature publiée le 28 décembre 2013 dans le quotidien El Universo qui a déclenché les hostilités. Début janvier, M. Correa annonçait son intention de poursuivre Bonil en justice. La Surintendance de la communication et de l'information, chargée de veiller au bon fonctionnement des médias, a pris les devants et ouvert une enquête.
Le verdict est tombé le 31 janvier. M. Bonilla avait jusqu'au mercredi 5 février pour « rectifier » son dessin. El Universo a été condamné à payer une amende équivalant à 2 % des recettes du dernier trimestre. Prise en application de la nouvelle loi sur la communication, la mesure administrative est une première. Elle a bien entendu soulevé un tollé.
Bonil, lui, hésite entre l'indignation et le fou rire. « Je ne peux pas rester indifférent face aux abus de pouvoir, dit-il. Rafael Correa a fait de la presse privée un punching-ball. » Au pouvoir depuis 2006, le charismatique président accuse les médias et les milieux d'affaires de torpiller son programme progressiste.
« Calomnie »
La caricature évoque la perquisition que les autorités judiciaires ont effectuée au lendemain de Noël au domicile de Fernando Villavicencio. Ex-syndicaliste, M. Villavicencio est aujourd'hui assistant parlementaire d'un député de Pachakutik, le parti politique issu du mouvement indien, un temps allié de M. Correa, désormais dans l'opposition. M. Villavicencio est soupçonné d'avoir participé au hacking des comptes Internet du président et de plusieurs de ses proches collaborateurs.
Le dessin de Bonil montre des soldats et policiers qui, sous prétexte de souhaiter un joyeux Noël, pénètrent en force chez M. Villavicencio. Ils embarquent ordinateurs et télévisions. La légende dit : « Nous emportons les documents dénonçant la corruption. » Un texte qui, selon le pouvoir, discrédite la fonction de la justice et de la police. « Les petits dessins n'y changent rien, il y a calomnie », et la caricature mérite une sanction administrative, a expliqué M. Correa.
« Je n'administre rien du tout, je dessine, rappelle Bonil. La mesure dont je suis victime met en lumière le piège conceptuel introduit par la loi sur la communication, qui fait de l'information un bien public, permettant à l'Etat d'intervenir et de contrôler les médias. Elle va contribuer à créer un climat d'autocensure. » La sanction imposée à El Universo lui semble encore plus injuste. « En haut de la page éditoriale où mes caricatures sont publiées, il est précisé que les opinions exprimées – et signées – n'engagent que leurs auteurs. El Universo est sanctionné parce qu'il ne m'a pas censuré, c'est un comble. »
Comme le quotidien, Bonil envisage de porter l'affaire en justice. « Par principe », dit-il. Et de se désoler : « La caricature qui me vaut une telle notoriété n'est vraiment pas la meilleure. »
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