samedi 17 octobre 2020

Les caricatures de Mahomet font une nouvelle victime

 Sur le site de La Presse.

Dessin de Michel Kichka

Un enseignant qui avait récemment montré à ses élèves des caricatures de Mahomet a été décapité vendredi après-midi dans les Yvelines, en France, un assassinat qualifié d’« attentat terroriste islamiste » par le président français Emmanuel Macron.
L’homme a été tué dans une rue près du collège du Bois-d’Aulne, où il enseignait.

Vers 17 h, les policiers de la brigade anticriminalité de Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne, ont été appelés pour un individu suspect rôdant autour d’une école secondaire.

Le suspect aurait pris la fuite en direction de la ville voisine d’Éragny, où il a été abattu par les policiers après avoir crié Allahou Akbar (« Dieu est grand »). 

Selon des sources judiciaires citées dans plusieurs médias français et européens, quatre autres personnes – dont une serait mineure – ont été placées en garde à vue dans la nuit de vendredi à samedi. 

Elles feraient partie de l’entourage direct et familial du suspect.

L’assaillant serait un jeune homme de 18 ans d’origine tchétchène. Il était armé d’un couteau, et un fusil a été trouvé à ses côtés.

Virginie, 15 ans, a connu cet enseignant dont elle conserve de « bons souvenirs ». « Ça me fait de la peine. Décapité, en plus, c’est choquant », a-t-elle indiqué à l’AFP.

Je l’ai vu aujourd’hui [vendredi], il est venu dans ma classe pour aller voir notre prof. Ça me choque, je sais que je ne le verrai plus.

Tiango, élève au collège du Bois-d’Aulne, à l’AFP
Selon une source policière, une photo publiée sur un compte Twitter désormais fermé, qui aurait pu appartenir à l’assaillant, montre la tête décapitée de la victime. 

Sous cette photo, un message s’adresse au président Emmanuel Macron, « le dirigeant des infidèles » : « J’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Mohammad » – nom généralement transcrit sous la forme Mahomet en français.

Le parquet antiterroriste national a informé l’AFP qu’il s’était immédiatement saisi de l’enquête, ouverte pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs terroriste criminelle »

Notons que Jean-François Ricard, le procureur national antiterroriste, doit s’adresser aux médias ce samedi en après-midi, afin d’apporter des précisions sur la suite de l’enquête.

La victime avait récemment donné un cours sur la liberté d’expression à ses élèves et leur avait montré des caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo, selon une source policière.

« C’était toutes les années qu’il faisait cela », souligne Virginie, 15 ans, qui a connu l’enseignant. 

« C’était au programme pour l’EMC [enseignement moral et civique, NDLR]. C’était pour parler de la liberté par rapport à l’attentat de Charlie Hebdo, il montrait ces images, les caricatures », affirme la jeune fille, qui précise que cette année, « Ça a pris plus d’ampleur ».

L’enseignant a en effet été la cible d’une vindicte lancée par un père d’élève sur les réseaux sociaux. 

Dans une vidéo, il a qualifié l’enseignant de « voyou » qui « ne doit plus rester dans l’Éducation nationale » et invité d’autres parents à se mobiliser pour obtenir son exclusion.

Ce parent d’élève indigné avait porté plainte contre Samuel Paty, qui avait en retour déposé une plainte en diffamation contre lui, a retracé le procureur Ricard, mais sans faire publiquement, à ce stade, de lien entre le père de famille, son entourage et l’assaillant.

Depuis cette « histoire », M. Paty « n’était pas dans son assiette », avait observé Myriam, une collégienne de 13 ans, en mimant son attitude renfrognée quand il déambulait dans les couloirs.

« J’entendais des élèves dire “il est raciste” », dit-elle, en ajoutant que d’autres qualificatifs circulaient sur son compte, comme « islamophobe ».

« Il n’a pas fait ça pour créer des polémiques ou pour manquer de respect aux petits, ou pour faire de la discrimination », affirme Nordine Chaouadi. 

Son fils de 13 ans entamait sa deuxième année de cours avec M. Paty. « Il me dit, “il était super gentil, ce monsieur” », dit le père.

L’affaire avait été signalée et portée à la connaissance du renseignement territorial. 




Charlie Hebdo réagit

Le magazine satirique Charlie Hebdo a fait part vendredi soir de son « sentiment d’horreur et de révolte » au sujet du meurtre de l’enseignant et a exprimé sur Twitter son « plus vif soutien à sa famille, à ses proches ainsi qu’à tous les enseignants ».

« L’intolérance vient de franchir un nouveau seuil et ne semble reculer devant rien pour imposer sa terreur à notre pays. Seules la détermination du pouvoir politique et la solidarité de tous mettront en échec cette idéologie fasciste », a aussi écrit le média, en ajoutant que « cet acte immonde endeuille notre démocratie, mais doit nous rendre plus combatifs que jamais pour défendre notre Liberté ».

L’attentat est survenu trois semaines jour pour jour après l’attaque à la machette près des anciens locaux de Charlie Hebdo, où un suspect d’origine pakistanaise a blessé grièvement deux personnes qu’il croyait être des journalistes de l’hebdomadaire.

L’auteur de cet attentat a déclaré aux enquêteurs avoir agi en réaction à la republication de caricatures de Mahomet à l’occasion de l’ouverture du procès des attentats de Charlie Hebdo.

Depuis la republication des caricatures, des milliers de manifestants avaient protesté à travers le Pakistan contre Charlie Hebdo et la France.

L’organisation djihadiste Al-Qaïda avait même menacé d’attaquer de nouveau la rédaction du journal. 

« C’est la republication des caricatures plutôt que le procès qui a joué dans l’aggravation des menaces », expliquait récemment à l’AFP une source au sein des forces de l’ordre.

Depuis l’attaque contre Charlie Hebdo en 2015, 258 personnes sont mortes en France, dans une vague d’attentats djihadistes sans précédent. 

De ces crimes, plusieurs ont été perpétrés à l’arme blanche, notamment à la préfecture de police en octobre 2019 et à Romans-sur-Isère en avril dernier. 


« Ils ne passeront pas »

Emmanuel Macron est arrivé vendredi soir à Conflans-Sainte-Honorine, où il a échangé avec le personnel de l’établissement scolaire où enseignait la victime.

« Un de nos concitoyens a été assassiné parce qu’il enseignait, apprenait à ses élèves la liberté d’expression », a-t-il annoncé dans une déclaration publique.
Tous et toutes, nous ferons bloc. Ils ne passeront pas. L’obscurantisme et la violence qui l’accompagne ne gagneront pas. Ils ne nous diviseront pas. C’est ce qu’ils cherchent et nous devons nous tenir tous ensemble.

Le président Emmanuel Macron
En parlant des enseignants, le chef de l’État a ajouté que « la nation tout entière sera là à leurs côtés, aujourd’hui et demain pour les protéger et les défendre ».

Dans une ambiance empreinte d’émotion, les députés de l’Assemblée nationale se sont levés pour « saluer la mémoire » de l’enseignant et dénoncer un « abominable attentat ».

Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a réagi sur Twitter : « Notre unité et notre fermeté sont les seules réponses face à la monstruosité du terrorisme islamiste. »

La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a quant à elle qualifié le crime de « barbarie insoutenable ». 

« Ils sont déjà là, jusque dans nos écoles », a-t-elle aussi ajouté, en réponse à un tweet d’Emmanuel Macron qui avait martelé : « Ils ne passeront pas. »


— Avec l’Agence France-Presse et Le Monde


Six attentats qui ont marqué les esprits en France depuis 2012

La décapitation vendredi d’un enseignant à Conflans-Sainte-Honorine, en France, ravive les douloureux souvenirs d’attaques et d’attentats islamistes survenus ces dernières années dans l’Hexagone. En voici quelques-uns qui ont marqué les esprits. 

15 mars 2012

Dans une série d’attentats, sept personnes, dont trois militaires et trois élèves d’une école juive, sont tuées dans les villes de Toulouse et de Montauban, dans le sud de la France. Deux des militaires abattus sont de confession musulmane. Le terroriste islamiste Mohammed Merah se filme avec une caméra GoPro alors qu’il tue ses victimes. Il sera tué dans son appartement une semaine plus tard, le 22 mars, par des policiers.

7 janvier 2015

Deux frères, Saïd et Chérif Kouachi, pénètrent dans les locaux de Charlie Hebdo. Ils y tuent 11 personnes, dont 8 membres de la salle de rédaction du journal satirique. En fuyant, les terroristes assassinent aussi un policier. Au total, le bilan s’élève à 12 morts et 11 blessés. C’est la tuerie la plus meurtrière parmi les trois attentats terroristes qui surviendront ce mois-là.

9 janvier 2015

Quatre personnes sont tuées lors d’un attentat à l’épicerie Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris. Près d’une trentaine d’otages sont retenus dans l’établissement pendant de longues heures. L’assaillant est Amedy Coulibaly, un complice des frères Kouachi qui a tué une policière à Montrouge la veille, le 8 janvier. Il est finalement abattu par des agents, au terme d’une longue intervention policière. Le même jour, à Dammartin-en-Goële, les frères Kouachi – recherchés pour les attentats contre Charlie Hebdo – se retranchent dans une imprimerie en début de matinée. Ils sont tués en fin de journée après un échange de coups de feu avec des policiers.

13 novembre 2015

Une série d’attentats sont perpétrés à Paris par trois groupes d’assaillants. La première attaque survient non loin du Stade de France : trois terroristes se font exploser lors d’un match France-Allemagne. Puis, un autre groupe mitraille plusieurs terrasses de cafés et de restaurants dans les 10e et 11e arrondissements. Cette tragique soirée se termine par la plus violente des attaques, celle du Bataclan, où les tireurs ouvrent le feu sur 1500 personnes lors d’un concert. Le bilan pour ces trois évènements – qualifiés par le président François Hollande d’« acte de guerre » du groupe armé État islamique – atteint 130 morts et 413 blessés.

14 juillet 2016

Un attentat au camion-bélier revendiqué par le groupe État islamique fait 86 morts et 458 blessés dans la ville de Nice. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel fonce, au volant de son poids lourd, sur la promenade des Anglais, alors que des gens assistent aux festivités du 14-Juillet, jour de la fête nationale française. Le terroriste est par la suite abattu par les autorités policières.

25 septembre 2020

Une attaque au hachoir fait deux blessés devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, à Paris. Les faits se déroulent alors que le procès de l’attentat meurtrier qui avait visé l’hebdomadaire satirique cinq ans plus tôt, le 7 janvier 2015, est en cours. Sept personnes sont interpellées par les autorités policières françaises, dont celui qui serait l’auteur de l’attaque.

— Henri Ouellette-Vézina, La Presse


AJOUTS

«Conflans : la seule réponse possible» sur le site Conspiracy Watch.




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