Depuis une dizaine d’années, le dessinateur-reporter Aurel anime la presse locale et nationale, toutes périodicités confondues, et se plaît à donner du grain à moudre à ses lecteurs, tout en leur égayant l’esprit.
On le retrouve une fois par an dans les pages du Monde diplomatique, pour lequel il cosigne, avec le journaliste Pierre Daum, un grand reportage. C’est dans la continuité de ce travail que s’inscrit son nouvel album, Clandestino, publié aux éditions Glénat.
Il présente la « sortie de cocon » d’Hubert Paris, ancien secrétaire de rédaction, chargé par un magazine américain de la rédaction d’un grand papier sur les migrants clandestins dans le monde. Fiction basée sur des faits réels, l’album, qui suit le parcours du journaliste inexpérimenté, offre un témoignage et un regard à la fois sensibles et accablants sur les dessous de l’immigration clandestine.
Extrait de l’entretien qu’il a accordé au site Bande dessinée Info :
[...] Cathia Engelbach : Que pensez-vous de l’émergence de la « BD reportage », initiée par Cabu ou encore Teulé, et qui fait aujourd’hui les beaux jours de quelques titres de presse ( avec des séries « feuilletons » publiées dans Le Monde diplomatique, Libération, la revue XXI…). Certains titres ou auteurs vous ont-ils influencé ? Pourquoi avoir fait le choix, en incluant une grande part fictionnelle dans Clandestino, de vous en tenir éloigné ?
Aurel : Je n’aime pas du tout le terme « BD reportage ». C’est un label commercial sous lequel on met un peu tout et n’importe quoi. Plein de BD de très grande qualité sont présentées comme de la BD reportage mais ne sont pas du tout du reportage. Cabu n’a jamais fait de la BD reportage. Il fait du reportage dessiné. C’est un de mes modèles dans le genre, au même titre que Tignous, Luz ou bien évidemment Joe Sacco ou Chappatte. J’irai même plus loin en disant que je pense que la BD n’est absolument pas le bon format pour le reportage au sens journalistique du terme. J’y oppose le reportage graphique qui s’émancipe du carcan de la BD.
Le reportage est contradictoire au carcan de la narration graphique, du système de case, de la maquette « imposée », de l’ellipse. Une BD est aussi éloignée d’un reportage graphique qu’un essai ou un documentaire le sont d’un reportage écrit ou audiovisuel. Les exemples que vous citez (hormis Le Monde diplomatique pour lequel j’ai réalisé des reportages graphiques) publient des BD qui traitent de sujet d’actualité, mais ce ne sont pas des reportages, à mon sens. Des documentaires éventuellement. C’est une question de vocabulaire, je le concède, mais c’est important.
Si j’ai choisi de mon côté la fiction, c’est pour pouvoir mieux coller aux impératifs de la BD, d’une part, et pour éliminer tout égotisme ou questionnement narcissique d’autre part. Ce n’est pas ma petite vie de reporter que je veux raconter, c’est tout ce qui se passe autour. Mon vécu me permet juste d’insuffler à Hubert Paris quelques touches de vérité, de réalisme. [...]
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