jeudi 30 mai 2019

Pascal Somon condamné pour avoir dessiné Tintin

Sur le site du Monde.


Pascal Somon n’ira pas en prison pour avoir dessiné et vendu des représentations de Tintin.

Cet illustrateur et auteur de bande dessinée de 58 ans était poursuivi par Moulinsart, la société de droit belge chargée de protéger l’œuvre d’Hergé. 

Le tribunal correctionnel de Reims l’a condamné, mardi 28 mai, à dix mois prison avec sursis alors que le parquet avait requis contre lui, fin avril, six mois d’emprisonnement ferme pour contrefaçon en récidive. 

En 2015, la cour d’appel de Reims l’avait déjà condamné à cinq mois de prison avec sursis et deux ans de mise à l’épreuve, pour les mêmes faits.

Qu’était-il reproché à ce dessinateur peu connu, auteur de quelques albums dans un style franco-belge, au tournant des années 1980 et 1990 ? 

De faire commerce de dessins de Tintin, signés de sa main, à travers la vente d’originaux et l’impression d’affiches. 

Propriétaire du personnage et de son exploitation sous la forme de produits dérivés, Moulinsart mène une lutte acharnée contre ceux qui reprennent à leur compte l’image du reporter à la houppe, même quand il s’agit de réalisations artistiques, comme c’est le cas ici.

Pastiches plutôt que copies

On ne fera pas insulte à Pascal Somon en disant qu’il n’a pas le coup de patte du maître bruxellois, mort en 1983. 

Ses « Tintin » s’apparentent à des posters mettant en scène le célèbre héros dans des situations ne figurant dans aucune de ses aventures. 

Tintin joue ici au golf, là au baseball ; on le voit tatouer un explicite « Hommage à Hergé » sur le bras du capitaine Haddock, conduire une moto, poser devant un avion de chasse, passer du bon temps avec une femme… 



Si certaines illustrations font clairement référence aux albums les plus fameux de la collection, elles ne sont jamais des copies de cases ou de couvertures existantes.

« Il s’agit d’interprétations. J’ajoute des éléments supplémentaires afin qu’il n’y ait aucune confusion possible. En aucun cas, je ne dégrade l’œuvre d’Hergé pour laquelle j’ai beaucoup de respect », se défendait le dessinateur dans son atelier du centre de Reims, avant le verdict.

Réalisés pour le compte de tintinophiles et de collectionneurs d’originaux, ses dessins mêlant gouache et crayons de couleur font également évoluer Tintin dans les univers graphiques d’auteurs de BD admirés, tels qu’Enki Bilal ou Philippe Druillet

Sa dernière réalisation le montre dans le costume d’Arzach, personnage de SF mutique créé par Jean Giraud, alias Moebius, dans les pages de Métal Hurlant.



Tout a commencé en 1988 avec une affiche inspirée des Cigares du pharaon, quatrième album de la série.

« Au départ, j’ai dessiné Tintin par plaisir. Et puis des particuliers ont commencé à me passer des commandes. Je n’aurais sans doute pas dû imprimer des affiches et les vendre. Ceci étant, je n’ai pas fait fortune avec cela. Je ne roule pas en Porsche », précise-t-il.

Les problèmes ont débuté il y a une dizaine d’années

Découvrant des « Tintin » de Pascal Somon sur les murs de la librairie spécialisée Album, à Paris, Moulinsart les fera décrocher, avant d’engager un recours contre leur auteur. 

Le plagiat ne fait alors aucun doute pour la société belge, celle-ci reprochant également au dessinateur de porter atteinte au vœu d’Hergé qui ne voulait pas que son héros lui survive, d’une façon ou d’une autre.

Sa condamnation, il y a quatre ans, n’a pas empêché Pascal Somon de poursuivre dans la même voie.

En 2017, de nouvelles affiches représentant Tintin et portant sa signature sont découvertes par Moulinsart chez un antiquaire d’Annecy. 

Le dessinateur est de nouveau assigné en justice, avec l’épée de Damoclès que faisait peser la récidive.

« Cette fois-ci, j’arrête, j’en ai fini avec Tintin, a promis le dessinateur, mardi 28 mai, à sa sortie du tribunal. Tout ceci m’a dégoûté. Je me retrouve dans la peau d’un gamin de CM2 qui s’est pris un coup de règle sur les doigts. » 

Pascal Somon n’attendra pas que Tintin entre dans le domaine public pour le redessiner ; ce sera en 2053. 

« J’aurai 93 ans et j’en aurai terminé avec le dessin. En revanche, je laisserai les fichiers à ma fille pour qu’elle en tire des affiches. »

Frédéric Potet (Reims, envoyé spécial)

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