samedi 16 novembre 2019

Expozine 2019

Justine de l'Église sur le site de Radio-Canada.


Dans un univers en marge du célèbre Salon du livre de Montréal se déroule un autre rendez-vous littéraire, subversif celui-là, où les amateurs et amatrices de livres peuvent débusquer des trésors uniques en leur genre, des reliques tout droit tirées de l’underground : l’Expozine

L’événement se tient cette fin de semaine à l’Église Saint-Arsène, à Montréal.

Loin d’être en compétition avec le Salon du livre, l’Expozine donne la vedette aux éditrices et éditeurs indépendants, et aux plus petits joueurs. On s’y éclate, on verse dans l’obscur, l’artisanal, l’étrange – on bouillonne de créativité et on remet la norme en question. 

Il s’agit d’une vitrine sur l’underground, exempte de best-sellers, de grandes maisons d’édition, de livres de recettes, de superhéros traditionnels, de Garfield et de Tintin.

On trouve de tout dans ce salon : des zines, ces petites publications autoéditées faites main, des livres, des revues, des recueils, des essais, des bandes dessinées... On peut aussi y dénicher toute sorte d’objets littéraires subversifs – c’est ainsi que l’Expozine les nomme. 

Des exemples? Une boîte de poulet de rôtisserie remplie de petits livrets, de fanzines, ainsi qu’une corde attachée à une brique, à laquelle on a accroché un texte roulé.

Les artisans et artisanes sont aussi sur place pour discuter avec le public. « Il faut le voir pour le croire. C’est beaucoup plus intime, contrairement au Salon du livre – et c’est très correct, mais on y voit rarement l’auteur et l’éditeur autour de la table », précise Louis Rastelli, directeur d’Arcmtl, l’organisme qui chapeaute l’Expozine.

Le besoin d’une vitrine

L’Expozine est né d’un besoin, d’une nécessité. Vers la fin du millénaire dernier, huit personnes du milieu de l'édition « un peu frustrées », ne roulant pas sur l’or, partageant leurs voitures pour se rendre de foire en foire au Québec et en Ontario, ont pris un pas de recul.

Elles voulaient présenter leurs livres, mais n’avaient pas les moyens d’accéder à la grand-messe au Salon du livre de Montréal, où il faut débourser des milliers de dollars pour mettre la main sur un espace d’exposition. 

Et à l’époque, il n’y avait pas encore de Festival de BD de Montréal; les occasions de vendre des livres en dehors des librairies se faisaient rares.

Inspirées par les débuts du Salon du livre anarchiste de Montréal, qui versait dans le radical, mais qui était ouvert à l’artistique et au littéraire, elles ont pris les choses en main. 

L’équipe a d’abord mis sur pied un organisme sans but lucratif; Arcmtl, qui fête aujourd’hui ses 20 ans. Puis en 2002, son Expozine était enfin prêt à recevoir ses premières visites.

Le premier événement a réuni quelque 60 éditeurs et éditrices. Après quatre ou cinq ans, ce nombre est passé à 250. L’équipe était soufflée par la demande.

« On l’avait senti nous-mêmes, en tant qu’éditeurs, qu’il n’y avait rien pour nous en ville. On ne savait pas à quel point il y avait d’autre monde qui avait aussi besoin de ça. »

Et avec les années, l’Expozine joue même le rôle de tremplin pour les petites maisons d’édition qui « graduent » vers le Salon du livre de Montréal. C’est le cas notamment des éditions de Ta mère, de L’écrou, des Poètes de brousse... 

Le bédéiste Jimmy Beaulieu

« Ce sont des éditeurs qu’on a connus quand c’était littéralement un ou deux artistes installés derrière une table », se rappelle Louis Rastelli.

Il précise cependant qu’atteindre le Salon du livre de Montréal, ce n’est évidemment pas le but pour tous les exposants et exposantes. Certaines personnes sont underground jusque dans leur ADN, et sont faites pour le rester.

On a plusieurs éditeurs qui sont très indépendants. Ils ne vont jamais exposer au Salon, ce n’est pas leur game. Ils sont très contre-culturels, très underground, font des fanzines très radicaux, ou sont des artistes qui font des œuvres très artisanales. C’est tout un monde, et il n’y a pas vraiment de ça au Salon du livre. 
Louis Rastelli, directeur d'Arcmtl

Succès signé Expozine

L’Expozine a même dû changer de local quelques fois, pour accueillir plus d’artistes et de maisons d’édition. On regroupe aujourd’hui plus de 300 exposants et exposantes; et évidemment, on en refuse chaque année par manque d’espace.

On ne peut presque jamais répondre à la demande. Ça, c’est signe que, oui, l’Expozine est populaire, mais aussi que ça ne s’arrête pas. Il y a de plus en plus de monde – pas juste une, mais quelques nouvelles générations qui se lancent dans l’édition, qui créent des livres, achètent des livres. Et la qualité de production est très, très belle. 
Louis Rastelli
C’est de cette manière qu’Expozine a fait des petits. 


Depuis l’an dernier, on célèbre la Grande foire d’art imprimé, qui se déroule au printemps, où se regroupe tout ce qui est sérigraphie, estampes et autres trouvailles innovantes. 

Il y a aussi au début d’octobre le festival Volume, qui gravite autour du livre sur l’art et du livre d’artiste.


Tous ces projets emballent Louis Rastelli, qui se prépare pour l’Expozine, qui débute samedi. 

On y attend d’ailleurs entre 15 et 20 000 personnes, comme chaque année. L’événement est gratuit et compte le demeurer. 

« On veut que les gens dépensent l’argent sur ces jeunes artistes, ces auteurs inconnus. »

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