samedi 2 juin 2012

Le nouveau printemps de la bande dessinée québécoise

Un article d'Alexandre Vigneault dans La Presse.

Près d'une centaine de bédéistes d'ici dont Rabagliati, Delaf, Dubuc, Godbout et Zviane convergeront vers le parc La Fontaine tout le week-end pour participer au premier Festival BD de Montréal. Quarante ans après le «printemps de la bande dessinée québécoise», le milieu semble en avoir fini avec les faux départs.


Michel Rabagliati (Photo: Hugo-Sébastien Aubert, La Presse)

Caricaturons: il y a 10 ans et des poussières, la bande dessinée québécoise n'existait pas. Ce n'était pas faute de bédéistes, mais de moyens. Sauf exception, elle demeurait confinée à un réseau underground et à un lectorat constitué de mordus. En moins d'une décennie, tout a changé. Et c'est entre autres grâce au Paul de Michel Rabagliati.
La bande dessinée est souvent associée à des personnages et, au Québec, c'était moins implanté, constate Sylvain Lemay, professeur à l'École multidisciplinaire de l'image de l'Université du Québec en Outaouais. Avec Paul, la bande dessinée a rejoint un public qui ne s'intéressait peut-être pas à la bande dessinée.

Image tirée de Vogue la valise, Tome 1, de Siris.

Paul n'est pas la seule série qui a agi comme locomotive pour le milieu. L'immense succès remporté en Europe et ici par Les Nombrils, du tandem Delaf & Dubuc, a fait de même. Cette éclosion sur le plan commercial met en lumière une réalité cachée: entre la possibilité de publier chez un géant européen ou des indépendants sérieux au Québec, les artisans d'ici n'ont jamais eu autant d'opportunités.

Les Nombrils, de Delaf & Dubuc.

Quelques auteurs tels Jimmy Beaulieu, Zviane et Iris publient à la fois au Québec et en Europe. Michel Falardeau (Luck) est chez Dargaud. Plusieurs dessinateurs d'ici, dont Djief, et François Miville Deschênes, ont été recrutés par de grands éditeurs européens. La radicale remontée de la bande dessinée québécoise tient toutefois principalement au travail d'éditeurs d'ici: La Pastèque, Pow Pow, Les 400 Coups, Glénat Québec, etc.

Magasin général, de Loisel & Tripp.

Il commence à y avoir une infrastructure, constate en effet le bédéiste français Régis Loisel, coauteur de Magasin général, qui s'est établi à Montréal il y a un peu plus d'une décennie. Dans les années 70 et 80, les éditeurs publiaient deux ou trois titres et disparaissaient, rappelle Sylvain Lemay. Pour la première fois, on a des éditeurs qui ont un catalogue assez imposant: on parle de 50 ou 100 titres. Et ils sont disponibles en librairie.

Image tirée de L'ostie d'chat, Tome 2, de Zviane et Iris, Éditions Delcourt.

Couleur locale

La plupart de ces éditeurs seront présents au premier Festival BD de Montréal, qui se tient jusqu'à dimanche au parc La Fontaine. L'événement mis sur pied par le libraire François Mayeux fait d'ailleurs écho à l'effervescence actuelle de la bande dessinée d'ici puisque la quasi-totalité des auteurs et dessinateurs invités vivent et créent ici.

Qui dit festival de bande dessinée dit séances de dédicaces. La plupart des auteurs se plieront à ce rituel. Le FBDM propose en outre des discussions animées sur le fanzine et le manga, ainsi que des expositions d'oeuvres de Fred Jourdain, qui a illustré Le dragon bleu de Robert Lepage, de planches d'auteurs reconnus (Rabagliati, Voro et d'autres) et une rétrospective des prix Bédélys.

François Mayeux a souvent répété qu'il voulait un festival ouvert à tous et s'est efforcé de présenter une large sélection de bandes dessinées, de celle destinée aux enfants au roman graphique ironique. Il en est de même pour les éditeurs: Glénat Québec, succursale locale de l'éditeur français, y sera, tout comme La Mauvaise tête, tout petit éditeur qui n'a publié que deux titres pour le moment: La muse récursive de David Turgeon et Du chez-soi d'Ariane Dénommé.

Paul à Québec, de Michel Rabagliati.

La Pastèque n'aura pas de stand, mais ses auteurs participeront au festival: Rabagliati, bien entendu, mais aussi Siris (pour son bouleversant Vogue la valise), Godbout et Fournier (Red Ketchup, Michel Risque) et Jean-Paul Eid (Jérôme Bigras). Iris et Zviane (L'ostie d'chat), Michel Hellman (Mile-End) et François Lapierre (Chroniques sauvages) figurent également parmi les invités.

Michel Risque, de Godbout & Fournier.

La bande dessinée québécoise en a-t-elle fini avec les « sempiternels recommencements », selon la formule lancée par le spécialiste Jacques Samson dans les années 70? Assurément, tranche François Mayeux, évoquant la stabilité du marché. Jamais il n'y a eu autant de disponibilité et de diversité dans le réseau des bibliothèques, ajoute-t-il.

Sylvain Lemay est aussi de son avis: Il y aura des creux, comme il y en a par exemple au cinéma québécois, mais on ne peut plus parler de recommencement. Ce qui a été bâti va permettre de continuer.
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La bande dessinée faite au Québec sera particulièrement en valeur lors du premier Festival BD Montréal, qui se tiendra du 1er au 3 juin à l'Espace La Fontaine.

En plus des vedettes locales du genre - Delaf & Dubuc et Michel Rabagliati -, la liste des invités compte une forte majorité d'auteurs et de dessinateurs d'ici, des vétérans Réal Godbout et Pierre Fournier (créateurs de Red Ketchup), aux jeunes artistes comme Iris et Zviane (coauteures de L'ostie d'chat), sans oublier les Québécois d'adoption tels Régis Loisel et Jean-Louis Tripp.

Deux artisans français ont été confirmés: Lisa Mandel (Nino Palato) et David Étien (Les quatre de Baker Street).

En plus des rencontres avec les créateurs et les incontournables dédicaces, le Festival BD Montréal met l'accent sur les 30 ans du magazine Les débrouillards (avec Jacques Goldstyn), en plus de proposer des séances d'impro-BD, de la BD en direct (parions sur un strip de Burquette), une vente aux enchères de planches originales, une démonstration de BD numérique et une projection du film Loisel et Tripp, traits complices, documentaire intimiste qui explore la dynamique du tandem à l'origine de la série à succès Magasin général.

Détails: www.fbdm-montreal.ca

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